Daco-România Print

ARCHAEOLOGIA
MVNDI
Collection dirigée par Jean Marcadé, professeur à la Faculté des Lettres de Bordeaux

 

 

A la mémoire de mon frère
IANCU BERIU

 

 

DUMITRU BERCIU
DACO-ROMANIA
Collaborateur: BUCUR MITREA
Chap. ii/2, iii/3, VII VIII/3
65 illustrations en couleurs
73 illustrations en noir el blanc
LES EDITIONS NAGEL, GENEVE, PARIS, MUNICH

 

 

Illustrations : Evelley Lazle
Dessins: Epure Argeş
Cartes: Marin Ionescu
ISBN 28263-0688X
1976 by LES ÉDITION NAGEL, GENÉVE
Tous droits réservés pour tous pays, y compris l'URSS Imprimé en Suisse – Printed in Switzerland

 

 

SOMMAIRE
Page
Préface ........................................................................................................... 9
Introduction .................................................................................................... 11
Chapitre I La formation du substrat thrace ............................................... 17
Des origines à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. ........................ 17

Le IIe millénaire et la première moitié du Ier .............................. 19
Chapitre II Les Géto-Daces avant la conquête romaine .............................. 25
L'art thraco-gèle ....................................................................... 25
Les relations économiques des Géto-Daces et les données numismatiques (B. Mitrea) ..................................................................................... 29
Contacts et assimilations, synthèses et progrès ....................... 42
Les autochtones, les Celtes et les Bastarnes ............................. 44
La civilisation géto-dace; influence grecque et influence romaine 48
Chapitre III La Dacoromanie dans le cadre de la romanité orientale .......... 52
Le processus de la romanisation .............................................. 52
Place et rôle des Daces libres ................................................... 73
L'élément dace sur le territoire de la Dacie romaine (B. Mitrea) 75
L'art provincial romain en Dacie ............................................. 76
Chapitre IV L'époque des premières migrations ........................................... 78
La présence romaine et romano-byzantine au Nord du Danube 78
Chapitre V Les maitres de la terre .............................................................. 82
La continuité daco-romaine ..................................................... 84
Les Sarmates et les Goths en Dacoromanie ............................. 86
Le temps des Huns .................................................................. 108
Chapitre VI Continuité et unité .................................................................... 113
Le complexe culturel d'lpoteşti-Cîndeşti .................................. 113
Les Gépides et les Avars .......................................................... 117
Chapitre VII L'adoption du christianisme (B. Mitrea) ................................... 119
La croix et le latin .................................................................... 119
Chapitre VIII Les Proto-Roumains et les anciens slaves ................................. 139
Evolution de la langue et de la civilisation ............................... 139
Développement et permanence des autochtones ...................... 143
La nécropole d'Izvoru (B. Mitrea) ............................................ 145
Signification historique de l'horizon du VIIIe siècle .................. 148
Chapitre IX Aux VIIIe-IXe siècles .................................................................. 149
Une « nappe » hétérogène et un peuple unitaire ...................... 149
Le peuple roumain est formé ................................................... 161
Chapitre X Assimilations et survivances ...................................................... 162
« Nappes » de population et noyaux de polarisation .............. 162
Conclusions .................................................................................................... 167
Bibliographie .................................................................................................. 173
Cartes ............................................................................................................. 177
Liste des illustrations ....................................................................................... 185
Index ............................................................................................................... 191

PRÉFACE
Le présent ouvrage prend une place un peu à part dans la collection Archeologia Mundi. Un volume antérieur ayant déjà été consacré à la Roumanie, pourquoi revenir dans ce domaine? L'intention d'offrir au lecteur un panorama des faciès divers de l'archéologie à travers le monde en exposant les problèmes, les méthodes et les résultats de la recherche dans chaque secteur, n'était-elle pas satisfaite en ce qui concerne le territoire des Carpates? Ne risquait on pas des redites?
En fait, les deux livres se complètent bien plus qu'ils ne se recouvrent. D'abord, bien sûr, des découvertes nouvelles interviennent chaque année, et c'est d'une documentation enrichie que l'on peut aujourd'hui faire état. Mais surtout la perspective est différente. Le problème auquel s'attache le professeur Berciu est celui de l'ethnogenèse du peuple roumain, qui va de pair avec celui de la formation de la langue. D'où l'importance essentielle qu'il accorde aux phénomènes' d'unité et de continuité sur celte ferre tourmentée et sur laquelle sont passées tant de migrations. Il y a là en apparence une sorte de paradoxe, et le « cas particulier » du destin de la Dacoromanie par rapport aux pays qui l'entourent est passionnant à scruter.
La réponse aux questions qui se posent, c'est 1 archéologie qui la donne: mais, pour la percevoir, il faut sortir du cadre historique et géographique de la seule Province romaine de Dacie. Un rôle fondamental revient en effet, selon l'auteur, au substrat thrace dans toutes les synthèses ethnoculturelles qui se sont ensuite effectuées. L'unité thrace a donné vie à l'unité géra-dace, et la culture géto-dace, par l'assimilation qu'elle avait faite Je certains éléments de civilisation grecs, celtiques et même romains bien avant Trajan, explique à son tour la persistance de la romanité au-­delà des limites chronologiques de la romanisation officielle. Les Daces libres aussi ont leur part dans le processus du maintien ou du rétablissement obstiné, de siècle en siècle, d'une unité ethnoculturelle locale qui, fortifiée par d'adoption du christianisme sous sa forme latine, a permis aux autochtones de rester, en dépit du déferlement des migrations, ces Maitres de la terre dont parlait N. Iorga.
La thèse est développée avec une chaleur et une rigueur qui entrainent {'adhésion. Par ai/leurs, on ne manquera pas d'être séduit par la théorie des « nappes de population » et des « noyaux de polarisation » qui sous-tend l'exposé.
J.M.

 

 

Masque en plaqué de bronze d'une divinité (probablement un symbole guerrier) d'Ocniţa-Ocnele Mari.

INTRODUCTION
Faisant suite au volume paru en 1972, dans cette même collection, sous la signature de C. Daicoviciu et E. Condurachi, notre ouvrage se propose de retracer, à la lumière de la documentation archéologique actuelle, l'histoire de la Roumanie à partir de l'âge du bronze thrace, et depuis l'abandon de la Dacie par l'empereur Aurélien au IIIe siècle de notre ère jusqu'au Xe siècle environ. C'est au cours de cette dernière période que s'effectua l’ethnogenèse du peuple roumain, vigoureux rejeton de toute la romanité orientale. Bien que le processus historique, d'une grande complexité, se soit étendu au territoire des Thraces, des Illyriens et d'autres populations romanisées des Balkans, nous retiendrons surtout les données qui concernent la Dacie des Géto- Daces, qui grâce à l'empreinte indélébile de Rome, demeura « daco­romaine » à l'époque des migrations des peuples, quand naquirent les nouvelles ethnies de notre continent.
Marqués du sceau de Rome et fortement enracinés dans l'espace carpato danubien, les Géto-Daces sont devenus les Roumains d'aujourd'hui, el ceux-ci habitent donc la terre de leurs ancêtres. Envisageant la romanité orientale sur toute son aire d'extension, le grand historien roumain N. Iorga a noté: « Nulle part les Thraces ne se sont par la suite conservés comme tels: des ont survécu seulement dans ces traditions, ces versions et ces interprétations romanes, qui sont devenues désormais expressément roumaines n. (1936). Une telle unité et une telle continuité peuvent s'expliquer par je substrat pré· et protohistorique de la Roumanie: aussi allons-nous revenir sur certains prob10mes ayant trait il l'époque d'avant la conquête romaine, pour y découvrir !es prémisses à la romanisation des Géto-Daces.
Nous envisagerons d'abord la constitution du substrat thrace, élément stable de la région carpato-danubio-balkanique, et point de départ de tant de synthèses futures. Le second chapitre sera consacré ci la civilisation matérielle et spirituelle des Géto- Daces, pour en dégager l'originalité et expliquer le rôle que les Géto-Daces, (composante majeure dans la formation du peuple roumain) ont joué comme intermédiaire entre l'Orient et l'Occident, dans le cadre de notre continent.
Cette civilisation caractéristique de tout l'ensemble du territoire habité par les Géto- Daces, grâce à ses éléments fondamentaux et à ses contaminations avec des populations voisines (cultures de Puchov et de Lipica), grâce aux traits d'universalité qu'elle doit aux influences gréco-romaines et grâce à sa survivance en Dacie romaine et surtout chez les Daces libres, a garanti l'unité, la continuité et la transmission de certains héritages anciens dans le mode de vie, le langage et le folklore des Roumains. On peut affirmer, à notre avis, que !es Daces libres ont contribué au maintien des communautés daco-romaine demeurées sur place lors de l'abandon de la Dacie par les autorités civiles et militaires de l'Empire.
La romanisation proprement dite sera conçue d'un point de vue dynamique, dans son extension spatio-temporelle et dans son efficacité socioculturelle. Commencée au lue siècle avant J.-C. avec les premières conquêtes de Rome dans les Balkans, elle aboutit à la formation d'une romanité orientale limitée au Sud par la ligne Jirecek et couvrant au Nord le bastion des Carpates ainsi que les bords de la Mer Noire.

L.es quelque 160 ans de domination romaine sur la Dacie ne comptent pas seuls: la romanisation ne s'est pas arrêtée au nord du Danube après l'abandon de cette

province, elle continua par l'intérieur, la Mésie et la Dacie auréliennes, fortement romanisées, entretenant une source où se revigorait la population daco-romaine. La présence de l'Empire romain et romano-­byzantin sur le Danube et en Dobroudja (la Scythia minor de l'antiquité) a exercé dans l'espace carpato-danubien une influence à la fois politique, économique, culturelle et religieuse.
Au cours des IVe-Xe siècles sinon plus tôt, le christianisme populaire de forme latine répandu dans la zone carpato-danubienne de la romanité orientale nous paraît avoir eu un rôle historique positif. Les découvertes archéologiques paléochrétiennes se sont accrues ces dernières années et elles appellent une attention particulière, car elles fournissent à l’historien un témoignage sur la latinité des populations concernées.
Aux yeux de l'archéologue, la civilisation des territoires relevant de la romanité orientale présente: des faciès divers en fonction des circonstances historiques, mais ses éléments fondamentaux restent romains ou romano-­byzantins par la suite, et e éléments assimilés par les peuplades allogènes, migratrices, lors de nouvelles synthèses, déterminent en même temps une étape dans l'évolution des sociétés en question. La civilisation daco­-romaine, faisant partie intégrante de la civilisation créée par la romanité orientale dans son ensemble, mais comprenant aussi nombre d'éléments remontant aux Thraco-Daces, s'est développée dans les communautés pastorales et agricoles en accentuant son caractère populaire et rural. La recherche archéologique roumaine actuelle s'intéresse à la survivance des traditions daco-romaines, notamment dans la céramique, et les fouilles pratiquées sur l'ensemble du territoire ont révélé l'existence de complexes culturels, tels celui de Bratei-Moreşti (IVe-VIe s.), celui d'Ipoteşti-Cîndeşti (VIIe-VIIIe siècles) et celui de Dridu (fin VIIIe-IXe siècles) – qui, comme la culture d'Ipoteşli-Cîndeşti, paraît être' un mélange romano-slave ù la base este daco-romaine.
Cela met en évidence lé rôle joue par la romanité dans la r0gion carpato-danubio-balkanique, rôle aussi important qu’à l'Ouest 1 en Italie, en Gaule et dans la péninsule ibérique où les diverses populations migratrices ont été assimilées.
L'archéologie apporte également des lumières sur l’époque où les Slave s'établirent dans la région; au VIIe siècle, la population daco-romaine était déjà devenue une population proto-roumaine avec tous les traits d'une nouvelle ethnie: une langue latine en évolution, une religion ie caractère univers 1 el populaire, un groupement de communautés pastorales et agricoles où les artisans ne manquaient pas non plus, une civilisation rurale complexe et complète.
Au contact des Slaves, celte civilisation ne s'est pas éteinte: elle a emprunté aux Slaves qui, au Nord du Danube, furent assimilés par la population proto- roumaine, tandis qu'au Sud cette dernière était au contraire assimilée ou disloquée par les Slaves. Les sources écrites sur les Roumains, qui se font jour aux IXe-Xe siècles, ont pu prêter à des interprétations diverses, surtout pour des raisons politiques ou bien par méconnaissance des réalités historiques; mais les acquisitions actuelles de l'archéologie roumaine, corroborées par les données de la linguistique et de j'histoire fournissent de quoi reprendre et résoudre vraiment le vieux problème de la continuité daco­-roumaine, ainsi que celui de la romanité orientale dans son ensemble.

La continuité ne concerne pas seulement, à notre sens les régions de la Dacie romaine (Transylvanie, Banat, Olténie), mais aussi les autres parties de notre pays au Nord-

Ouest, au Sud et ci l'Est des Carpates, où les fouilles ont mis au jour nombre d'établissements appartenant à la population autochtone daco-romaine. Sans nier l'intérêt que la forteresse des Carpates a présenté pour la population romane au temps des premières migrations, les Carpates ayant toujours été un facteur de polarisation, il faut admettre que les fouilles n'ont pas confirmé l'hypothèse d'un repli dans la zone des montagnes, d'où les Roumains se s raient ensuite étendus vers l'Est et vers le Sud jusqu'à la Mer Noire. A toutes les phases – daco-romaine, proto-­roumaine et roumaine – Je territoire entier de la Roumanie actuelle a été habité par l'ancienne population qui s'est accrue de peuplades nouvelles sans aliéner jamais son unité de civilisation, son genre de vie ni sa langue au cours des différents avatars de son histoire.
N’étant pas une entité physique ni une entité métaphysique, un peuple est une création de sa propre histoire à laquelle participe le milieu géographique, lequel entre donc dans la formule de constitution de ce peuple en tant que création historique. Dans ce sens, on peut dire que le peuple roumain est le peuple des Carpates et du Bas-Danube, zones qu'il n'a jamais quittées au temps des migrations.
Etant le peuple le plus nombreux de la région carpato-danubio-balkanique, le peuple roumain fut plus qu'aucun autre l'œuvre millénaire de certaines données géographiques qui ont eu un rôle important au Moyen-Age. On ne peut l'imaginer quittant en masse le sol de ses ancêtres, même si, el l'époque des migrations, il y a eu des déplacements et des interpénétrations parmi les populations de l'aire de la romanité orientale. Aussi bien et-il possible que sur le territoire de la Daco-romanie se soient créés des centres de polarisation de la population proto-roumaine. Cela tient au facteur physique et géographique, au relief ct aux rivières de la terre roumaine, el la flore et à la faune, au sol et aux richesses variées du sous-sol, à l'architecture du pays, à la diversité des régi ns qui se groupent et se complètent d'une façon harmonieuse. Le tout a favorisé l'unité, la continuité d'une vie sédentaire centrée au long des millénaires sur la vallée du Danube. Les recherches linguistiques ont abouti à cette conclusion que le roumain primitif a pris naissance dans la vaste région qui s'étend de l'ancienne Dacie trajane au-delà du Danube, aux provinces thraces et illyriennes de la péninsule des Balkans. Dans l'évolution de la langue il y a eu deux périodes distinctes: la première se situe avant la pénétration des Slaves en Dacoromanie et dans les Balkans; le centre de gravité de ta romanité orientale était alors au Sud, du Danube où se trouvaient les cités, les marchés, les évêchés, et la population daco-romaine du Nord du Danube y était rattachée; dans la seconde période, la langue apparaît pénétrée déjà d'éléments slaves.

La recherche e archéologique roumaine des dernières années, compte tenu des données linguistiques et des données fournies par les sources historiques, prouve que Ja civilisation daco-romaine, de la fin du IIIe siècle à la fin du VIe, était dans la zone d'influence de l'Empire romain et romano-byzantin L'influence de Byzance s'exerça également à l'époque de la symbiose avec les Slaves, par l'intermédiaire de ceux-ci, pli à partir du Xe siècle, quand l'Empire byzantin parvint au Danube, de façon directe. Au point de vue ethnographique, la formation du peuple roumain était dès lors achevée, et il commençait à s'affirmer politiquement; mais son expansion fut arrêtée par les dernières migrations: c'est dans ces conditions que furent posées les bases de

la féodalité.
Considérant que la vie économique, donc la vie sociale tout entière, est fortement influencée par le commerce et les échanges de biens matériels et culturels, nous avons estimé qu'il fallait faire line juste place aux données de la numismatique, qui permettent de confirmer ou d'infirmer plusieurs résultats de la recherche archéologique ou de l'histoire touchant la technique ou touchant les rapports de la population carpato-danubio-pontique avec le monde méditerranéen. Les trouvailles monétaires et la frappe des monnaies témoignent de la constance de ces rapports dès avant l'an 106 el attestent le haut niveau d'organisation et de civilisation atteint par les Géto-Daces.
Notre exposé sera accompagné de planches et de cartes. Nous entendons ainsi procurer au lecteur la possibilité de mieux connaître la civilisation matérielle et spirituelle de la région carpato-danubio-pontique a l cour des siècles envisagés. En même temps nous aurons là un support documentaire à l'appui des conclusions d'ordre historique formulées dans l'ouvrage.

 

LA FORMATION DU SUBSTRAT THRACE
I


Il existe dans l'Europe du S.- E. n fonds commun de très anciennes traditions, d'où sont sortis au cours du haut Moyen-Age tou les peuples qui se trouv 'nt de nos jours dans ces contrées. Comme l'a signalé notre grand historien Nicolas !orga, cet héritage multi-miliènaire, dont certains aspects resurgi"sent encore de nos jours, crée un lien entre tous ces peuples; aucun cependant n 'y plonge si avant ses racines, aucun ne s'y rattache par une continuité si parfaite, depuis quatre mille ans, comme le peuple roumain, directement issu de la source primordiale indo-européenne par l'intermé­diaire du monde thrace s'étendant des Carpates el du Danube. dans les Balkans. jusqu'en Asie Mineure. Un le! substrat, ethnique et cultureL défini par une langue, des croyances, des coutumes et des mentalités communes, amalgamées avec le fonds pré-indoeuropéen, avait hérité lui-même du trésor culturel des sociétés néo- et énéolithiques qui furent les premières sociétés sédentaires de ia région carpatique et balkanique.

DES ORIGINES A LA FIN DU IIIe MILLENAIRE AV. J.-C.
Le territoire de la Roumanie fail partie de la zone de l'anthropogénèse, puisque les plus récentes recherches concernant la « pebble culture» ont montré que la présence de l'homme sur la terre roumaine remontait au stade initial des hominiens, il y a un million d'années. Citons à ces propos les découvertes faites dans le bassin moyen de l'OIL sur l'Arge~ et dernièrement à Racovita, département du Sibiu, toujours dans le bassin de l'Olt. L'immense période écoulée depuis les premiers pas de l'être humain sur le sol de notre patrie donne à imaginer ies progrès rèalis's au fil des généra­tions et les trésors accumulés d' ns cette contrée.

La documentation arch' ologique la plus récente fait apparaître que lès groupes d'hommes du Paléolithique Supérieur et du Mésolithique dépas­saient ici le stade des prédateurs et le nomadisme primitif pour entrer de bonne heure dans un nouveau ge,

rc de ie basé sur la culture des plantes et l'élevage des animaux domestiques, contribuant ainsi à po er les premières bases de la civilisation européenne. Le rassage du Mésolithique au Néolithi­que est effectué chez nous aux Portes·de- Fer, par la culture dite de Schela Cladovei du nom d'une station située ù l'Ouest de la ville de Dobreta-Turnu Severin, que l'on retrouve à Ostrovul Corbului, au Sud de la même ville. Les foui Iles conduites en ces deu x endroits au cours des années 1965 -1970 et en 1973 à Ostrovul Corbului ont mis au jour des outils en bois de cerf avec ou sans perforation pour un manche, qui étaient employés pour l'agriculture. La datation de ces trouvailles par la méthode du Carbone 14 donne 6.000 ans environ av. J.-C
L'étude palynologique. ayant décelé des céréales parml les grammees, indique un climat méditerranéen. Les outils recueillis ne l'es emblent pas à ceux de l'Orient, et le déc6r de certaines pièces trouvées dans le secteur roumain des Portes-de-Fer comme dans le secteur yougoslave (complexe de Lepenski Vil') permet d'affirmer qu'il y avait dans cette zone un foyer de civilisation fondé sur la culture des plantes mais sans relation aucune avec ceux du Proche-Orient. Les impulsions parties de ici ont activé le développement progressif d'une économie de production et délevage. et entralné la différenciation d'une entité et .no-culturelle néo-énéolithique dont il a été amplement question dans le volume « Roumanie ».
Les plus récentes découvertes archéologiques. il nous incombe de le noter, ont scnsibl ment enrichi notre connaissance du contenu matériel et spirituel des civili 'ations qui se sont épanouies entre 6.000 et 2.000 avant notre ère en territoire roumain et parfois aussi hors frontières. La documentation archéologique fait apparaître la continuité du progrès à l'époque néolithique, et le développement, en région carpato-danubienne et pontique, de civilisa­tions d'un contenu matériel et spirituel toujours plus élevé, où les outils en pierre polie sont toujours différenciés dans leurs fonc ions. La céramique primitive témoigne aussi d'un progrès qualitatif constant qu'atteste l'ex mple de la splendide céramique peinte. La métallurgie du cuivre, élément nouveau caractérisant le Néolithique tardif (Enéolithique, selon la terminologie des archéologues) inaugure une phase nouvelle, surtout après l'épuisement complet des l' 'serves de cuivre natif et avec le passage el l'utili­sation progres 'ive des minerais de Tran ylvanie. puis d'Olténie et de Dobroudja. plus pauvres en cuivre. Les haches en cuivre offrent des types différents de ceux du Proche-Orient et de l'Asie Mineure, et la métallurgie du cuivre prépare celle du bronze (voir à ce propos, les rapports avec les débuts du bronze en Serbie).
Tout au long du Néolithique la population de la Roumanie connu un essor démographiqu'\ les éta lis'ements humains se multipliant de part et d'autre des Carpates comme dans la vallée du Danube, et occupant des sites tant de plaine que de montagne, La vie spirituelle a connu le même rogrès. Les nombreuses statuettes en argile. os ou marbre. le vases décorés, les piéces de caractère ymbolique. les nécropoles découvertes depuis la deuxième guerre mondiale. tout atteste chez ces populations des liens a ec la terre et des cultes agraires et funéraires. C'est au Néolithique que remontent les bases d'une population stable, d'une économie productive, d'une vie soucieuse de beauté et de commodité.

Dès l'époque néo-énéolithique se constitue dans l'aire du Sud-Est européen une enl ité culturelle carpato-danubio-balkanique, et ce maigre la diversité des civilisations

néolithiques successives. Vers la fin de la période. aux environs de 2.000 av. J.-c., le fonds pré··indoeuropéen des Carpates et du Danube représente une synthése résultant de la fusion d'éléments variés. d'une importance variable selon leur contenu, leur forme, leur manifestation, mais où le facteur décisif fut le facteur local, le développement interne des communautés.

LE IIE MILLENAIRE ET LA PREMIERE MOITIE DU IIIE

A la charnière du IUC au ne millénaire avant l'ère, le rythme du développe lent socio-culturel et linguistique s'accéléra. \1 se produisit une interpénétration entre les communautés pré-indoeuropéennes des Carpates et du Da ube et des nouveaux ven lS de l'Est, mais en raison de leur mobilité, ces derniers enric irent l'acquis culturel sans en moà i fier l'essentiel. Ce même processus conduisit sans doute à certaines mutations anthropologiques aux alentours de 2000. Alors plus qu'à aucun moment de leur histoire, les populations de la région carpato-danubienne ont su sélectionner, parmi des impulsions venues d'un peu partout, ce qui était nouveau, ce qui était en avance, pour le greffer. l'adapter aux besoins des producteurs agricoles et des éleveurs de ces contrées de l'Europe. Alors se formèrent, grâce à l'établissement de liens directs entre l'Orient et l'Europe Centrale, les premiè es synthèses, celles des civilisations de Cotofeni et Glina. Quelle qu'ait été la pression exercée par les tribus pastorales du ord du Pont sur le structures sociales et économiques de la population néo­énéolithique, il ne s'agit là que d'un facteur entre autres, et c'est tout un ensemble qui est cause des mutations alors intervenues sur tous les plans. Loin de représenter une régression, cette époque de transition posa les bases d'une agriculture fondée sur l'cmploi du soc cn bois ou en corne de cerf; alors se répandit l'usage du chariot à quatre roues, d'origine orientale; alors se développa la métallurgie du cuivre sur le plan local du Sud-Est Européen, l'influence orientale n'intervenant qu'à une période ultérieure; alors fit son appar:tion lc cheval domestique; alors furent créés les premiers objets de bronze. Après l'an 2000 se propagèrent des connaissances technologiques liées à la métallurgie du bronze qui s'épanouit lors de la cristallisation définitive des civilisations du Bronze thrace. L'économie revêtait par endroits un caractère plus particulièremer t pastoral, quoique les éleveurs de troupeaux aient pratiqué -- à échelle réduite, il est vrai·- une agriculture primitive, tout comme les tribus d'agriculteurs s'occupaient aussi d'élevage. A cette époque se manifestent de plus en plus concrètement les phénoménes liés au patriarcat,· avec de grandes familles patriarcales dans le cadre des tribus. La présence de certaines communautés tribales au voisinage des gisements de sel (par exemple ceux d'Ocnila-Ocnele Mari, département de Vîlcca) témoign qu'elles en ont alors commencé l'exploilation. Cette exploitation deviendra ver le milieu du deuxiéme millénaire une activité économique pcrmancnlc, el le sel deviendra Ull objet d'échange entre les tribus. Ce qu'il importe de relever c'est l'apparition, après i 700-1600 av. l-C., des communautés thraces de l'âge du Bronze, faisant suite à l'achève­ment du processus linguistique de l'indoeuropéanisation. Elles sont caractéris' es par les plendides civilis tions que l'on désigne d'après les stations éponymes de Tei (Bucarest), Co~logeni. Monteoru, Costi~a, Verbicioara, Gîrla Mare, Vatina, Pecica, Wietenberg-Sighi~oara, Otomani. (cf 1 carte B et le volume« Roumanie H, p. 57 sqq., ainsi que les dessins et planches

reproduits dans le présent ouvrage).
Aux environs de 1600 avant notre ère, à la suite des progrès réalisés dans tous les domaines et du mélange des diverses influences extérieures avec le fonds local - phénomène majeur de la période de transition du Néolithique au Bronze -, on parvient à la cristallisation définitive du fonds thrace carpato-balkanique. Quelques-unes des ethnies thraces pa sent même en Asie Mineure et des liens s'établissent ainsi avec les foyers de civilisation de ce continent. Du développement historique antérieur un des résultats les plus significatifs est la constitution du substrat thrace de l'Age du Bronze, destiné à devenir la base eth "que et culturelie de l'essor du peuple des Géto- Daces. Des rapports économiques et culturels s'établirent alors avec la brillante civilisation myceniennc; ainsi commença d'agir le facteur méditerranéen qui accéléra le rythme du développement local en reliant les Thraces à un monde d'une civilisation supérieure. A l'âge du Bronze se créa une unité de culture matérielle et spirituelle, et e répandirent chez les Thraces des traditions appelées à survivre aux époques ultérieures. La décoration des vases d'argile accentue son caractère géométrique, et certains motifs décoratifs - tels ceux dits « feux sacrés}) resurgis du fond des àge~, peuvent se retrouver de nos jours dans l'art populaire des Roumains de Transylvanie. Pendant un millier d'années les ateliers thraces, en particulier ceux de transylvanie, mais aussi ceux de la zone extra-carpatique comme de la Dobroudja, ont façonné des armes éclatantes, des outils d'usages divers, des ékments de parure, des pièces de harnais, etc ... , dont certains sont de véritables œuvres d'art. otons à ce propos que le décor de certaines épées el hach~s de combat thraces - spirales et autres motifs également employés dans l'ornementation de la céramique -- constÎtue un sûr témoignage de la continuité des populations: il "urvécut au cours de la première période de l'Age du Fer, qui débuta vers l'an 1 000 av. J.-c. - bien que la réalité historique soit autre en ce qui concerne les premiers cas d'emploi du fer sur le territoire de Roumanie, ainsi que nous le noterons ultérieurement.
Aux XW-Xlc siècles avant notre ère. les ateliers thrace de Transylvanie, dont les produits étaient répandus sur tous les territoires habités par les tribus ou les groupements de tribus thraces, établi saient une relation entre les diverses ethnies de part et d'autre des Carpates et du Danube autour du très ancien foyer thrace de Transylvanie. Un spécialiste de Cluj a montré tout récemment (1972) que les ateliers de Transylvanie avaient produit à eux seuls plus de 20.000 objets en bronze, nombre excédant de beaucoup celui des productions sorties dans le même laps de temps des ateliers d'Europe Centrale.

La métallurgie du bronze des Thraces carpato-danubio-ponliques - dont les artisans avaient acquis une grande avance technologique, grâce aux expériences menées dès longtemps slir le plan local mais aussi grâce ;'1 la fructueuse assimilation àes procédés transmis par ccrtaines influences méditerranéennes ou mierasiatiques- constitue la preuve la plus éclatante d'une transition ndturel!e d l'Age du Bronze thrace à la première période du Fer, qui est également thrace du point de vue ethnique dam les contrées en tjucstion. l.e pme: ':,U~ de dL~vcloppell1cnt de la céramique, le conservatisme en matière cie fortification des sites d'habitat ou de refuge, le nombre des sites (lvec ses implications démographiques, tout vient j'atte. ter: les Thraces de la première période du Fer, ne sont pas entrés dans cette ère culturelle en partant de

zéro, mais ils continuaient une tradition, une civilisation, un héritage quï s surent mettre en valeur et faire progresser dans des conditions historiques nouvelle-.
Comme on l'a tout récemment démontré (1974), le fer et sa métallurgie <1ppJrurent au moment même où le Bronze transylvain était ù son apogée, dès les XW-Xlc siècles. Le fer qui, suivant l'opinion de Fr. Engels « a joué un rôle révolutionnaire)} dans l'histoire de l'humanité, fut d'abord procuré p' r la voie des échanges entre tribus; on apprit ensuite à l'obtenir par réduction du minerai de fer. Selon !'avis du chercheur roumain, les premiers objet en fer auraient été apportés de la région située au 'ord- Est et à j'Est des Alpes, d' tels 0 jets ayant été identifi's ;' Susani, au Banat. département de Timi§, et à Lâpu~ (Maramure~). Retenons surtout que l'extraction du minerai et l'obtention du fer par réduction remontent n territoire roumain au début de la période de Hallstatt, car il s'agit là tout ensemble d'un enrichissement de l'héritage du su strat thrace et d'un prélude direct à l'essor de la civilisation des Géto- aces. La phase ancienne du Hallstatt (qui commence archéologiquement peu après 1200, en dépit de la date conventionnelle de l'an 1000 d'usage didactique) a livré des outils, des armes, des objets de p rure ain 'i que des barres de fer devant être utilisées comme matière première.
Dès avant le milieu du 1er millénaire, les tribus et groupements de tribus thraces ressortissant au vaste domaine carpato-danubio-balkanique, ont resserré leurs liens d'échanges avec le monde méditerranéen, avec le Centre de l'E t de l'Europe, ainsi qu'avec les civilisations d'Asie Mineure; à la même époque l'influence hellénique commence il se manifester, plus ou moins selon les diverses ethnies thraces mais le substrat thrace va sauvegarder son unitè ethnique et sa structure socio-culturelle homogène. L'implantation dl: cette unité au 'ein de la diversité, qui Sc laise suivre, comme on l'a vu, de l'an 2000 jusqu'aux alentours des années 600-500 av. l-C., est dûe à la force d création, de synthése et d'assimilation des Thraces, qui conservèrent malgré tou l'originalité de leur civilisation sur un vaste espace s'étendant du Nord des Carpates aux monts du Rhodope. Ce substrat constituera la base de la civilisation des Thn ces méridionaux et septentrionaux, dont les particularismes régionaux doivent s'expliquer aussi par l'ancien héritage thrace de l'Age du Bronze et de la période de Hallstatt. L'histoire des difl~rè!1ts peuples de l'Antiquité nous montre que le rythme de développement varie ù l'intérieur d'une même aire d'habitat De telles variations d'une zone à une autre sont dues à des causes internes, à des impulsions extérieures, à des circonstances historiques diverses. à des facteurs physiques et géographiques, ainsi qu'à un emploi plus ou moins approprié des ressources' naturelles locales. Untel phénomène se laisse observer dans le monde des Thraces au cours de la nouvelle étape qu'inaugure, pour les Géto- Da es, l'an 500 av. J. -c. Mais les particularités qui se manifestent selon les régions, loin d'affecter l'ancienne unité thrace - en l'occurence l'unité thraco-géto-dace - , vont au contraire conférer originalité et fraîcheur à la civilisation de ces contrées pendant l'époque pré-romaine.

 

LES GÉTO-DACES AVANT LA CONQUÊTE ROMAINE
II

Il fut un temps où les historiens européens malent que les Geto-Daces fussent une

ethnie thrace. Mais W. Tomaschek devait situer dans les Carpates le berceau des Thraces, et Gr. Tocilescu notait dans son ouvrage il la Dacie avant la conquête romaine» (1880) : « Les Gètes et les Daces ne sont ni Germains, ni Slaves, ni Celtes, mais seulement Thraces d'origine». Le grand historien roumain N. Iorga a mis en évidence l'unité de toutes les ethnies thraces du Sud-Est européen et des Carpates, unité fondée sur une communauté de langue, de civilisation et de coutumes; il confirmait ainsi la théorie des substrats formulée par B.P. Ha§deu. C'est sur le fonds thrace ancien que prit naissance la civilisation de la Tène géto-dace, dont l'image réelle et le haut niveau sont mieux connus depuis la multiplication des fouilles et recherches archéologiques au cours des trente dernières années. Les tribus thraces situées au Sud et à l'Est des Carpates, ainsi que de part et d'autre du Bas-Danube, et connues sous le n m généri­que de Gètes depuis le « Père de l'Histoire» Hérodote, sont entrées par étapes dès le Ve et au IVe siècle dans la civilisation de la Tène, à la suite du développement des communautés tribales autochtones qui avaient établi des liaisons économiques et culturelles avec les colonies helléniques du Pont:
Histria, Tomis et Callatis. Comme dans le cas des Celtes, l'art<< princier» offre une manifestation de la nouvelle étape.

L’ART THRACO-GETE
L'art animalier thraco-gète est caractérisé par son appartenance à une vaste unité stylistique, celle d'un art qui, aux Ve-IW siècles av. 1.-c., tout en relevant de différentes populations, couvrit la Chine, la Sibérie, l'Empire perse tout entier, les steppes du Nord de la Mer Noire, la région carpato­danubio- balkanique jusqu'aux monts du Rhodope et jusqu'à l'Europe Centrale, tout particulièrement la Hongrie. Il a existé également un art animalier phrygien. Cette unité stylistique issue de traditions différentes, comporte une diversité de techniques et de motifs qui est fonction de l'hori­zon historique et culturel. de la mise en valeur des ressources naturelles locales, du mode de vie, du typ d'organisation et des stratifications sociales.

Ainsi, dans le domaine des Thraces, il s'agit du vigoureux fonds thrace basé sur un héritage à prédominance g' ométrique qui s'est intégré à l'époque de la Tène aux éléments Ooraux, zoomorphes, naturalistes en général, pour constituer un tout organique original. Dans les sociétés pour lesquelles étaient r çonnés les objets de cet art animalier, celui-ci occupait de positions différentes dans la hiérarchie sociale et se fondait sur des croyances différentes, ce qui constitue également une manifestation des multiples particularités ethniques. Notons, à titre d'exemple, que l'art perse était un art de « cour », tandis que l'art thrace ne comporte pas pareille significr:" '~ ~Ievée, même chez les Odryses, quoique les plus riches trésors et mobilier', ""raires aient appartenu à une élite aristocratique détenant un rôle import~.. complexe dans la société thrace. Les Gètes qui ont constitué entre o"'arpates, les Balkans et la Mer Noire, à l'intérieur du bloc thrace, LIne . ·te entité ethnique, culturelle, sociale et militaire, ont créé un véritable art « princier )} ; au demeurant, il ne s'agissait pas d'un art de « cour », dont l'élaboration suppose un état bien organisé. Un tel art, constituant l'un des traits caractéristiques de la civilisation 'de la Tène issue du fonds thrace ancien, fut l'éclatante création des Thraco-Gètes aux IVc­Illc siècles, aux confins du monde classique et au voisinage de l'art scythe florissant dans les steppes

du Nord du Pont-Euxin, Entre ces deux peuples se produisirent des interpénétrations et imbrications, dont témoignent les productions artistiques, mais l'art thraco-gète sauvegarda LOute son originalité, comme l'attestent les illustrations de ce livre, et d'une manière plus complète le riche trésor du Musée d'Histoire de la République Socialiste de Roumanie ou les matériaux d'art thraco-gète mis au jour en Bulgarie du Nord. L'établissement de rapport' av c les colonies gre 'ques du Pont a contribué il la naissance de et art: il leur instigation l'aristocratie locale avait appris à assimiler les biens d la culture méditerranèenne et à mener une vie fa tueuse en accord avec le caract' re hiérarchisé de la société thraco­gète, L'influence perse de l'époque des Achéménides est également discernable dans l'art des Thraces, tout particulî rement dans l'art thraco­gète, point de (kpart de l'évolution de l'art du damai, e carpato-danubien aux étapes suivantes: géto-dace et daco-gète.
Les particularités de l'art de style animalier relevant du domaine thraco­gète, où s'entremêlent motifs décoratifs traditionnels à caractère géo­métrique et représentations figurées, se manifestent soit dans des trésors, tel celui de Baiceni, département de Ia~i (i lustr. n° 44), soit dans des trouvailles isolées et fortuites, comme ce fut le cas pour le casque en or de Poiana-Cotofenqti, département de Prahova (illustr. n° 25), soit dans des sépultures, telle celle de Peretu, département de Teleorman, épulture à char d'un guerrier qui portait un « casque» en argent. En 1972 une autre sépulture, d'un guerrier gète portant un casque en bronze de type hellénique, fut fouillée dans le village de Gavani, commune de Gemenele, département de Briiila; la tombe livra également des pièces d'applique (illustr. nO 41) comparables à celles du riche mobilier de la sépulture « princière» de Kotys d'Agighiol. département de Tulcea (illustr. n° 45), datant de la première moitié du Ive siècle.

A Agighiol on a mis au jour, outre les chambres funéraires destinées à l'ensevelissement d'un membre de la haute aristocratie et de sa femme, l'enclos de pierres où, lors des funérailles du maître, furent enterrés trois de ses chevaux tués avec des flèches empoisonnées. Considéré comme scythe jusqu'en 1956, le prétendu « trésor» de Cra'lova-- en réalité des pièces de harnachement en argent - doit être mis au nombre des objets d'art thraco­gète. catégorie riche en documents aussi bien roumains que bulgares (illustr. n° 381. Le glaive-emblême en bronze de Medgidia est aussi, à notre avis, un docurnent de l'art thraco-gète, mais il date du VC siècle et atteste une forte influence de l'art perse-achéménide: cela peut s'expliquer par la présence des Perses dans le- Balkans à la suite de l'expédition entreprise par Darius en 514 contre les Scythes Hérodote note dans ses « Histoires » que seuls les Gèles, « les plus vaillants et les plus justes d'entre les Thraces », s'opposèrent au Grand Roi. L'aristocratie thrace et tl raco-gète a donc pu connaît re les fastes de la noblesse perse et les productions de la toreutique asiatique. Tout comme le commerce avec les Grecs, le mode de vie de la noblesse perse contribua à créer chez les aristocrates thraces et thraco-gètes le goût du luxe ct des objets d'art. Témoins le mobilier des sépultures, les trésors d'objets d'or et d'argent, la pratique des banque s a ec remploi d'une vaisselle en argent comme celle d'Agighiol, la préparation des boissons --- spécialement les vins grecs - avec des aromates, attestée, à iitre d'exemple, par la passoire trouvée à Peretu, ou la œra nique grecque de luxe. Pareille vie de luxe et

à'ostentation témoigne du rôle social, poiitique, militaire et religi ux rempli par l'aristocratie. Elle se maintient telle jusqu'à la conquête de la Dacie, comme on a pu le constater pOUT les chefs daces à la forteresse na 1 de Ocnila-Ocncle Mari dans la région des Subcarpates méridionales. Des exemples précédents il resson que l'art thraco-gète couvre, Jans son aire d\;xten -io 1, l'Olténie, lalunténie (voir aussi la sépulture de Fîntinele, et l'horizon culturel du Ive siè 'le à Zimnicea), la Moldavie pour laquelle il faut ajouter les objets en or récemment trouvés à StÎnce~ti, département de Boto~ani, ce qui étend jusqu'au Nord de la province le domaine de diffusio 1 de l'art thraco-gète. La Dobroudja relève également du territoire 0" ii s'épanouit; même au S.-E. de i Transylvanie se trouvent de pièces de style zoomorphe témoignant de l'unité ethnique et socio-culturelle des Gètes et des Daces.
L'étude de l'art thraco-gète de la Tène nous fait aisément saisir l'importance du fonds autochtone ancien, çamme les différentes composantes qui en trèren t dans sa const itu! ion.
L'apparition de cet art de style animalier marque un point d'achèvement dans l'évolution des différentes ethnies t' races de ta région s'étendant des Carpates ju qu'aux monts du Rhodope. Ses caractères sont les suivants: associ:Jtion des motifs ornementaux ô'ancienne tradition aux motifs figuratifs ou végétaux; sens décoratif accusé se manifestant par la tendance vers t'abstraction, par la stylisation ou par la dissociation des di ers éléments d't ne représcnt tion figurative; limitation de l'espace décoré par des cadres el des bandes incisées d'entailles; dynamisme retenu dans l'emploi des motifs cm 'lignes (spirales, volutes, rosaces tournantes à 4 ou 3 bras). A cette période remonte l'adoption des thèmes essentiels qu'on ren­contre dans l'art des Da~es à l'époque de leur apogée et dont certains se r trouvent encore dans l'art populaire roumain de nos jours. Bien que certaines des représentations figurées aient leur point de départ au Proche Orient, surtout en Asie Mineure et en Iran, l'iconographie appartient en général aux Thraco-Gètes, et concerne leur mythologie. Il y a là des symboles dont la signification nous échappe: l'aigle saisissant dans ses serres un poisson, l'aigle tenant en son bec un serpent, l'ourson qui décore des pièces d'applique, le sanglier, les animaux aux pattes pendantes, les fauvps « voraces» etc. Il faudra approfondir nos connaissances sur la mythologie et sur la religion en général des Géto- Daces, où l'on trouve des croyances liée au très ancien substrat thrace dont quelques-un sont survécu jusqu'à nos jours. Ainsi pour le serpent symbole de fertilité, qui est censé être « le serpent de la maison» dans le folklore roumain. Les objets de parure, comme les casques et les triares en or et argent, les pièces d'applique, etc. avaient aussi une fonction magique liée au caractère sacré du héros, passé aux représentants de l'aristocratie dans le cadre de la démocratie militaire; car le chef militaire de l'union tribale ne détenait pas seulement le pouvoir politique et militaire, mais s'acquittait également d'actes sacrificiels ù signification religieuse. Les représentants de l'élite aristocratique conser­veront cette position éminente dans la société gèto-dace tout au long de l'histoire de la Dacie avant la conquête romaine; la multiplicité de leurs fonctions, affirmée par les Anciens, peut également se déduire des trouvailles archéologiques {telies celles, toutes récentes, d'Oc. i~a-Ocncie Mari, département de VîlceaL que l'on fait dans les forteresses appartenant à un basIleus.

LES RELATIONS ÉCONOMIQUES DES GÉTO-DACES ET LE DONNÉES NUMISMATIQUES
La fondation des colonies grecques du Pont-lstros, Tomi, Callatis - aux VIle-VIC s. av. l-C., eut un retentissement important dans la vie économique et sociale des Géto-Daces, tout d'abord pour les Gèles de Dobroudja et un peu plus tard pour l'ensemble des tribu géto-daces du domaine carpato-danubien. De loin la romanisation de la population a été préparée par rassi 'Iilation que firent les autochtones de nombreux cléments de la culture matérieile et spirituelie des Grecs. Parmi ces ~lérnenls arrëtons­nous sur l'utilisation de la monnaie dans lè commerce entre Grecs et Geto­Daces. Pour faciliter les échange on employa d'abord des pointes de flèches en bronze fabriquées, semble-t-i!, el Histria, puis cette cité. dès le milieu du yt siècle frappa une monnaie proprement clite, montra t à l'avers deux têtes accolées mai n p sition inversée et au revers un aigle marin dévorant un dauphin, type qui se conserva pendant toute la durée des émissions monétaires, au iong de huit siècl s. Les pièces. pesCl.nt de 4 à 8,40 g .. portaient ie nom d drachme, didr, chme ou statère. Les émissions monétaires d'argent om été complétées par des monnaies de bronze, primitivemèl 1 coulées el par la suite frappées. de divers types; citons la roue LI quatre rayol S où il faut voir un symbole solaire connu de la population locale, des efligies du dieu fluvial lstros, d'Apollon, de Dionysos, de Déméter, d'Apollol sur l'omphaios. d'Hermès, etc ... Les trouvailles de monnaies histrienne , trésors ou exemplaires isolés couvrent un territoire très large au pourtour de la Mer Noire, non seulement en Roumanie mais aussi en Bulgarie et en U.R.S.S., le long du Danube de l'embouchure jusqu'aux Porte' à Fer. et il l'intérieur des terres g2to-ùaccs. La présence de la monnaie prouve que les Géto-Daces ont accepté j'utilisation de celle-ci comme moyen d'échange. Histria en Scythia Minor, ' mmc Massalia dans les Gaules. a ouvert la voie aux échanges de marchandises par le truchement de la monnaie. Les autres coionies grecques, Callatis et Tomi, en étendant leurs relations aux Gdo-Daces du domaine carpato-danubien, intensifièrent ensuite leurs émi sions monétaires, la première aux Ive _liJe siècles. la seconde au Ile siècle a . J.-c.
Bien que les pièces frappées par Histria aient connu une grande diffu ion en Dacie, la monnaie histrienne ne constitua point un modèle pour le monnayage des autochtones, en raison de l'emprise de Philippe Il, roi de Macédoine. sur les territoires des bouches du Danube. L'occupation de la Dobroudja par la Macédoine eut un effet négatif sur l'activité commerciale des Histriens: la frappe monétaire de la cité subit une éciipse au profit du monnayage de Macédoine, qui dorénavant devait exercer une innuence plus forte sur les autochtones.

Après une période d'initiation aux èdlanges basés sur j'utilisation de la monnaie, les éto-Daces se mirent à frapper leur propre monnaie. Cette étape représente un moment d'acculturation, par l'appropriation d'lm élément important de la civilisation méditerranéenne. Les pièces prirent pour modèle les tél radrach mes de Ph il ippe II, les d rach mes et les tétra­drachmes émis par Alexandre le Grand ou les tétradrachmes de Philippe III Arrhidaios. Le monnayage géta-dace, qui débute dans la première moitié du IflC siècle, C'Onnut vers le milieu de ce siécle un premier épanoui<;<;ement. quand les atclicL monétaires se répandirent sur j'ensemble du territoire des Géto-Dac<:. D'après les différences dans la technique de l'exécution par

rapport à l'original, d'après l'adjonction d'éléments dont certains sont celtiques, d'après les symboles et les sigles, on a pu déterminer plusieurs types régionaux, dénommé tantôt selon le lieu d'identification du type, tantôt selon la région de la découverte. Relevons le type de Rasa dans la vallée du Danube, au style assez correce dont les pièces imitent les tétraurachmcs de Philippe Il ; celui du Banat, avec des variantes locales comportant des éléments figuratifs (chien ou oiseau figuré au revers, avec le cavalier); notons également le type de Tllighie~-Mire~u-Mare, carac­téristique du Nord de la Roumanie, qui comporte en tant qu'éléments décowtifs, le sanglier, l'écu, des sigles, rare, la rosette, des lignes horizontales semblables aux chiffres romains ou un rameau OllS le chevaL Parfois le cavalier est remplacé par une fleur ayan la forme d'une lyre, ie type de Zeus à l'avers étant lui m'me remplacé par celui d'Apollon, Ces pièces comme celles de ~v1olJavie (type de Hu~i Voosie~li) renferment nombre d'éléments celtiques, ce qui a incité certains chercheurs à attribuer aux tribus cel to- bastarnes une émission monétaire en Moldavie, Mais le problème est, à notre avis, complexe, et il reste à préciser le rôle qu'a tenu la population géto-dace autochtone de Moldavie dans la frappe et l'utilisation de ce nouvel instrument d'échange. Les Gèto-Daces de Dobroudja­l'ancienne Scythia Minor- étroitement liés aux colonies grecques, n'ont pas ressenti le besoin d'imiter les monnaies macédoniennes puisqu'ils avaient à leur disposition des monnaies grecques pour la circulation des marchandises et les échanges. Pourtant, certains chefs de groupements de tribus, gètes ou scythes, ont émis des monnaies, parmi lesquelles il faut citer le didrachme al! type de Moskon, du Nord et Nord-Ouest de la Dobroudja.
La deuxième phase dans le développement du monnayage géto-dace commence au milieu du Ile siècle: l'ancien type se maintient dans ses lignes génerales, mais la stylisation aboutit à un véritable schématisme par rapport aux modèles originaux, le titre de l'argent subit une baisse continue, le poids des monnaies représente la moitié du poids antérieur, le taux du cuivre est en augmentation. Dans cette phase, il existe plusieurs types, que l'on peut distinguer d'après le degré de stylisation que subit le tétradrachme macédo­nien et les différents symboles ou sigles. Parfois la tête de Zeus et le cavalier du revers sont interprétés par des signes globulaires, les pièces affectant une forme concave-convexe.
En dehors des monnaies frappées par les colonies du littoral Ouest du Pont­Euxin, des monnaies macédoniennes et des monnaies autochtones assignables aux différentes ethnies géto-daces, circulaient aussi des drachmes et tétradrachmes provenant de Thasos, de Prima Macedonia, de Dyrrachium et d'Apollonia, ces deux dernières villes étant des colonies grec­ques du rivage illyrien de la Mer Adriatique, Ces monnaies connurent une circulation intense sur l'ensemble du territoire géto-dace, et certaines ont été imitées par les autochtones. En 1969, le nombre des drachmes provenant de Prima Macedonia s'élevait à 450 exemplaires, tandis que les drachmes thasiennes totalisaient un chiffre de 2.900 exemplaires trouvés dans des trésors ou isolément. Les découvertes faites depuis ont augmenté ces chiffres de quelques centaines.

Les monnaies du second groupe répandues en Albanie, en Yougoslavie et dans l'Ouest de la Bulgarie, avec la Roumanie comme point extrême, ont été découvertes dans des trésors, seules ou associées à des deniers de la Rome républicaine; elles

mettent en évidence l'établissement des liens commerciaux entre les tribus géto-daces et ces cités lointaines, au Ile siècle av. J.-c., quand se resserraient de plus en plus les relations économiques avec Rome. Les recherches menées par le moyen des cartes de diffusion ont pu établir que la monnaie d'or connue sous le nom de koson, d'après la légende en lettres grecques de l'avers et dont les effigies de l'avers et du revers sont empruntées aux deniers romains, se rencontre seulement en territoire daco-gète, et doit être une émission géto-dace. Mais au 1er siècle, au temps de Burebista. quand s'accu~e la tendance ù l'unité des tribus géto­daces, les pièces locales vont êlre remplacées par le denier romain républicain, représenté par un total de 26.000 exemplaires, provenant des trésors (228) el des trouvailles de monnaies isolées. Pour pouvoir apprécier ce chiffre ~l sa juste valeur historique, il faut ù notre avis relever le fait qu'en Illyricum, sur le territoire de la Yougoslavie, le nombre des découvertes est de l'ordre de quelques diz.aines, en Pannonie de 10 environ et au Sud du Dé\l1ube ci peu près de 50. L'explie< tion de la quantité insolite de deniers romains lu dernier siècle de la République, trouvés en Dacie s'est longtemps fait attendre. Elle a été finalement déduite d'une découverte récente, faite dans la place forte dace de Tili~ca. aux environs de la iik ùe Sibiu. où l'on mit la main sur plus de 10 coins monétaires reproduisant assez fïdèlement tanl le droil que le revers des deniers romains de la première moitié du 1 er siè 'le; c'était un atelier local pour la frappe des monnaies romaines. Dan d'autres endroits on a trouvé des moules ou des traces de moulage, des nans mélailiques, etc. Les recherche~ que nous avons entreprises ces derniers temps dans l'énorme masse des deniers romains républicains de Dacie nous ont permis de distinguer ceux qui peuvent être assignés aux atciiers daces. Pour faire le départ nous avons tenu compte des critères suivants: maladresse de l'exécution par rapport ù la technique des ateliers monétaires officiels romains, impression partielle ou superficielle des effïgies, titre plus' bas de l'argent utilisé, différence cians le poids, reproduction imparfaite de la légende. dimensions du flan, etc. Pourtant il demeure un quantité assez considérabl de pièces romaines véritables, qu'on peut imputer aux négociants romains se rendant en Dacie pour des affaires commerciales, d",ux siècles a ant Traja . Ce t une preuve du haut ni eau atteint par! ,s Daces, au point de vue des échanges: en acceptant une monnaie, dotée d'un pouvoir de circulation général chez les peuples civilisés se situant dans l'orbite de l'État romain, ies Daces s'inséraient dans l'économie européenne de l'époque. Le fait marque une nouvelle étape dans leur évolution sodo-économique : elle se ca. actérise par l'importance accrue des artisans et surtout des négociants autochtones, appelés à devenir les plus sûrs agents et les bénéficiaires de la romanisation parmi les Géto- Daces de la Dacie trajane. L'inscription à ia pointe, en iettres latines, du mot PETR. sur un denier d'un trésor tout récemment découvert à Cetâ!eni, département d'Argq, témoigne dans ce sens: il s'agit en effet, très probablemen , du nom d'un négociant loca! ayant des rapports commerciaux avec les Romains. Aussi s'annonce le crépuscule du pouvoir que détenait l'aristocratie de la sociéte géto .. daœ, pouvoir fondé sur certaines croyances religieuses remontant à. l'époque de la formation des peuples inda .. européens.

CONTACTS ET ASSIMILATIONS, SYNTHESES ET PROGRES

Outre l'apparition d'un art nouveau et le passage à côté du troc, aux échanges basés

sur la monnaie, la civilisation européenne dite de la Tène - ­donc aussi la civilisation géto-dace- a pour trait caractéristique l'usage du tour du potier, qui transforme la poterie, de métier domestique en un métier véritable. exerce par des artisans dans leurs ateliers; au demeurant, on ontinuera d façonn r des v' ses à la main, comme aux époques antérieures.
La d'ffusion du tour a son point de départ dans la provlllce située entre le Danube et la Mer; ses conséquences se manifesteront sp' cialement le long du Danube, tout d'abord dans la zone des plaines de Munténie, d'Olténie et de fvloidavie, puis dans la région des collines et dans les Subcarpates. La zone pontique et extracarpatique dans son ensemble a c nnu le tour dès le ve siéc e, et ce procédé de travail y devient au Ive siècle d'un usage courant. -n miliLu Ci: rpato-danubicn thrace et pontique, des v <l:-,es tournés sc rencontrent. de manière sporadique, à partir de la fin du VI~ et du d'hut du ve siècle. La propagation du tour chez les Gèles s'est réalisée par l'intermédiaire des Grecs, et sous l'impulsion de- Thraces méridion ux.
On a travaillé au tour des vases imitant des prototypes grecs tels que l'oenochoé, ù anse surélevée el ù bec tréflé, forme que lc~ é!UlOchtonelJ façonnaient également à la main; relevons à titre d'exemple le vase d'Ostrovul Mare, à pâte grise, datant de la phase ancienne de la Tène. Un second groupe de vases tournés de la Tène géto-dace aff~ctent line forme traditionnelle ressortissant el l'herilage thrace ancien. Plus tard dans la période on imitera, mais dans une manière spécifiquement autochtone, d'autres formes hellènis iques, helléni tico-romaines ou enfin romaines à la fin du 1er siècle av. J.-c. La diffusion du tour et l'apparition d'une céramique fine du type de la Tène géto-dace ~ont des phénomènes qui couvrent la région thrace -gète dans son ensemble. y compris les territoires gèles s'étendant ù l'Est des Carpates.

Les recherches menées en Moldavie au cours dèS derniàeIJ années ont apporté des témoignages sur ia présence de vases d'importation grecque, en particulier des amphores de Chios et de Thasas, mais également sur les vases lournés au ochtones. Les Gètes du Nord-Est de la Roumanie avaient atteint ù peu près en même temps que ceux du Bas-Danube le niveau de civilisation de la Tène, quoique le rythme du développement socio­économique mt plu' Il:nl d(lrl~ les L.OlleS éloignccs des foyers de civilisation hellénique du Pont occidental et de la zone d'influence macédonienne ou thrace-odryse. Le même phénomène de continuité e de cr0alion spécifiquement autochtone se constate, grâce aux documents recueilli, dans la contrée siluée entre les Carpates Orientales et !e Prut comme dans la région dé.lnubio-pontiquc. L.e· recherche' effectuées dans les forteresses et 1'5 naDllilfS (lC :')uncqu, C )[Oan, IVlO1na el sur de nornDreux autres sites getes ont montr' que dès le Ive siècle la civilisation de la Tène ètait constituée également chez les Gètes du Nord· Est de la Roumanie. Pareille conclusion se onde tout particulièrement sur l'étude de la céramique. tournée ou façonnée ù la main. Le fonds thrace j allstattien du Ive iécle r présente 1" continuation vigoureuse d'une civili ation autochtone d'ethnicitê thrace, dont est issue la civilisation géto-dace du type de la Tène. La culture de la Tène dans l'Est des Carpates est illustrée au Ive. iècle non seulement par la céramiquc tournée mais encore par l'art " princier» thraco-gète. Nous avons fait mention plus haut du trésor d'objets en or trouvé ,i Bâiceni, dépanemelll de ia~i. et daté du Ive siècle: il existait donc une aristocratie gète dans ces contrées de Roumanie. La plus ancienne

période de la Tène ne fut. chez les Gèto-Daccs, aucunemen! innuencée par les Celtes. la céramique en donne témoignage. L'influence celtique s'exercera pius tard dans la région du Bas-Danube. par exemple ù Zimnicca. comme l'ont attesté les découverte::; archéologiques.

LES AUTOCHTONES, LES CELTES ET LES BASTARNES
A l'olle~t et au Nord-Ouest du territoire de Dacorornanie. les Ceites Je\ .Ii,:nt jouer un l'ok assez important dans le développement socio­L'conomi4ul.: des aUloehtones et Jans I·enri'.:hissem 'Ill Je l'h<:ritage géio­dace. sur I('quel plus tard se grefferait l'élément romain., l'heure actuelle on est parvenu LI la suite (ks découve ·tes de la nccropo!c de Fintînele, déparlt:ment cie Bistrip- NùsiiuJ et des fouilles je AraJul . ou. etc.) ;\ ia conclusion que la pénétration des Celtes dans les régions de l'Ouest de la Roul1lanie commença dans la première rnoitié ùu IV" siècle, èl llu'aprés quelques heurts violents, autochtones et Celtes parvinrent ù cohabiter. La pn?sence effective de ces derniers jusqu'aux environs du milieu du Ile siècle est vérifiée archéologiquement. Il ne s'agit point d'une domination celte sur les Dacc,,: on ne connaît pas jusqu';i présent sur le territoire roumain qui, dans les plaines de l'Ouest de la RoumJnie comme dans la zone intracarpatique, ont donné l'impulsion à la cristallisation de la culture de la Tène gélo-dace, en contribuant ù créer un fonds antochtonc. unitaire et enrichi, de la Tène. Par leur intermédiair , la diffusion du t ur de potier dans la zone ùace se fit plus large; les f rgerons daces leur empruntèrent certaines connaissances m~tallurgiques. Les Thraco- Daces cependant, il faut le rappeler, exploitaien. depuis le XIIe siècle le, gi~emenls de minerais de fer, dont ils e trayaient le méta! par réduction: l'apparition des Celtes ne ~u rven, it donc, dans ces rég ions. qu'après des sièc1cs de t rad i t ion const i tuée en la matière. Leur intlucnœ s'exerça aussi sur les Cètes du Sud et de l'Est des Carpates, tant dans le travail de la céramique lournéc que dans celui de la métallurgie du fer et dans la fabrication de toute une éric d'objet.s de parure. flans le groupe de la céramiqu peinte locale, comm dans . l'architecture dace. des ~kments celtiques 'ont discernables a côté des ékmcnt- hdléni~ iquc~ prédominants Une composantc 'cltiquc '>e rencontre également dans certains l 'pes de monnayage géto-dacc. comme nOlls j'avons Indique plus haut. Dcrniercl11cnt line origine celle lut altribu~e aux deux dépôts d'objets en fer de l'v1olu,\vie (commune de Negri. département de Bac{\u. et d'Oniccni, département de Neami)· De même certaines trouvailles de la région du Bas-Danube sont de facture celtique.

Ce qui nou~ intéresse ici, par rapport aux données et remarques du volume precedent. c'est la contributÏul1 de~ l'elles et d'autres populalioll~ qui sont entn;;es dan ia ma~se des autochtones à l'époque proto-hi torique et au cours du ltr millénaire el qUI ont été finalement assimilées par eux, stimulant et enrichissant leur civilisation à des degrés di ers. A ce sujet il faut ',ou!igncr l'exislcnœ de contaminations daco-celleS, ou les ('c11c~ eux­mérnes ont subi à leur tour l'influence des Géto-Daccs ; c'est la conclusion à bqudle conduisent les plus récentes recherches archéologiques: par l'effet d'échanges écononliques et culturels constants d'un côté à l'autre des Carpates, les Celtes de Transylvanie eux aussi ont participé à la diffusion et ~'l l'adoption de certains traits de civilisation apparus chez les Gètes du dom;line extracarpatiquc et

pontique; ainsi pour des rièces de parure comme les bracelets du type thraco-gète à boutons ou les fibules du type thrace. et pOU' des vases caractéristiques de la Tène géto-dace comme la cruche biconique à anse surélevée ou la tasse à anse d'origine thrace, répandue également dan" le monde illyrien. Des éléments thraces et thraco­gètes ont été décelés dans le décor de la céramique celte de Transyl­van ie. Une réciprocj té ci 'échanges géto- daco·· celtes appa raît encore dans le domaine de l'armement. par exemple dans l'ornementation du harnachemen t.
Soulignons les résulta s principaux de la recherche roumaine en ce domaine. Le monde des autochtones, en exerçant sc. n influence sur la civilisation des Celte., il donné ù leur cu turc de la Tène une coloration différente de relie qu'elle revêtait en Europe Centrale et cn Occident; du fait qu'avant l'arrivée des Cdtes s'était constituée dans la zone pontique et extracarpatique, chez les Thraco-Ciètes, une cullure de la Tène. des contacts et des emprunts mutuels s'établirent entre les deux civilisations de la Tène. Ajoutons un aspect d'ordre historique qui est généralement accepté à l'heure actuelle: ce sont les groupements de trib\us thraco-gètes qui ont empêché le débordement des Celtes vers Je littoral Ouest du ont Euxin. En outre, si l'on lient compte de l'opinion de B, Pârvan sui ant laquelle les Celtes auraient facilité la romanisation, il faut comprendre que par l'effet de contacts prolongés, en général hostiles, plus rarement d'un autre ordre, se sont répandus chez les deux peuples des biens de civilisation que les Celtes diffusèrent en Dacie préromaine, sous des formes diverses el à des intervalles divers, Faisant suite à l'action, exercée depuis longtemps par les Grecs, ces dcrnÎèrs facteurs ont contribué à créer dans L domaine du Danube et des Carpates un hori?On de civilisation gréco-romaine classique contenant en germe toutes les possibilités d'une accession à un niveau culturel supérieur, cc qui se produisit upré_ la conquête romaine. A toutes ces composantes bien attestées par la recherche archéologique. il faut ajouter l'élément scythe de Transylvanie qui précéda l'apport celte; les Scythes cependant ne représentèrent pas un stimulant dans la dynamique menant au nouvel Age de Fer mais plutôt un frein tendant a prolonger l'atmosphere hallstattienne tardive. Cela dit l'association des elements scythe et thrace contribua semble-t-il a la constitution du style celte du premier age de la Tene en Europe Centrale.

Les Bastarnes peuplade germanique penetrerent pour autant qu'on sache sur le territoire Est de la Roumanie, vers la fin du me siècle avant notre ère. Ils trouvèrent chez les autochtones gètes une civilisation possédant déjà des caractères de la Tène, malgré la survivance de certains traits de culture matérielle t spirituelle relevant de l'époque antérieure. Les Bastarnes qui possédaient une ulture du type de la Tène ne contribuèr nt donc as à la genèse de la civilisation géto-dace de ce type. Etablis dans la région située entre les Carpates et le Dniester, les Bastarnes ont vécu en cohabitation avec les Géto·Daces jusqu'au milieu du 1er siècle av. J..c. (époque de Burébista), en créant un groupe culturel - caractérisé particulièrement par sa céramique - que l'on nomme Poiene~ti et qui se répandit dans la zone Est de la Dacoromanie où il est connu sous le faciès de Lukashovka : en réalité le complexe Poiene~ti. Lukashovka constitue une entité culturelle bastarne en milieu géto-dace, appelé à être assimilée par ledit milieu. Les recherches archéologiques les plus récentes ont déterminé plus précisément l'aire de diffusion de ce groupe culturel en

infirmant les renseignements des sources écrites sur une descente des Bastarnes vers le delta du Danube. La carte archéologique actuelle des antiquités bastames montre qu'elles n'apparais­sent pas au Sud d'une ligne P. Neamt-Roman-TiraspoL Au Sud et . u Sud­Ouest se trouvaient les davae gètes, tandis que les établissements fortifiés du Nord (StÎnce~ti, CocnarD furent détruits, semble·t-il, par les Bastames. D'autre part, les spécialistes roumains l'ont constaté, les Bastarnes se servaient de la céramique géto·dace : on en rencontre sur les sites bastarnes de Boto~ana, Lunca Civrï, Tirpe§ti, etc. Au Ile·ler siècles avant notre ère, toute la zone Nord·Est de la Roumanie se trouvait intégrée à l'entité culturelle géto- dace. Les recherches poursuivies par les archéologues soviétiques entre Prut et Dnicster ont mis au jour une civilisation gélo-dace de la Tène commune à ces contrées.

LA CIVILISATION GETO-DACE;
INFLUENCE GRECQUE ET INFLUENCE ROMAINE

Les divers contacts des ethnies géto-daces avec différents peuples, contacts facilités par leur position géographique, ont mené, nous en avons déjù fait la remarque, à l'apparition du monnayage. Au Ile_1er siècles la civilisation géto-dace était une notion définitivement cristallisée et de caractère unitaire sur raire d'habitat de ce peuple. L'architecture militaire, religieuse et civile avait atteint un haut niveau de développement. Cette architecture appelle une étude qui serait faite non seulement dans l'optique de l'influence grecque et heilènist ique. mais en tenan compte également des traditions thraces hallstattiennes, où l'emploi du bois. de la terre et de la pierre était connu et pratiqué. Une influence méditerranéenne se révèle certainement dans le plan des édifices et l'aménagement des pièces, en particulier dans les constructions à abside. De même, par le passé. on n'a pas remarqué le caracté e hétérogène des édifices censés n'avoir qu'une destination religieuse. Il s'agit de certains sanctuaires et des zones dites « sacrées }), COIllIllt: ,1 Grüdi~tca Munœlului. No~ fouilb de 197 J ù la forteresse n° 1 d'Ocnita-Ocnele Mari, département de Vîlcea, ont abouti à la découverte des fondé.ltions, taillées ù mê e le roc, d'un édifice de caractère tout ensemble religieux (sanctuaire) et civil (palais construit avec des poutres de chêne à un ou deux niveaux. Le matériel archéologique recueilli dans les pièces souterraines comportait les tessons d'un do/han portant une inscription en lettre. grecques; on y lit le terme basileus. duquel monarque le nom reste inconnu. Le même complexe livra encore deux fragments céramiques portant écrit le nom de la tribu dace des Bures: cette découverte, particulièrement importante, a permis de localiser les Buridal'cnsioi de Ptolémée dans la zone des Subcarpates du Nord-Est de l'Olténie et à l'Ouest du département d'Arge~; la Buridava dace se trouvait donc à Ocni\a qui possédait d' riches salines et k h(/'ii!cus dont nous ignoron le nom doté de pouvoirs militaires, politiques et religieux. commandait le groupement des tribus de Bures daces. Le nom de Marco [u] ,sans doute précédé du mot prolloia «(, par le soins ») révèle peut-être le nom d'un prêtre. On trouve ici confirmation du role actif imparti a la classe sacerdotale dans la vie des Geto-Daces comme ce fut le cas pour les druides chez les Celtes. Le complexe en question est assez precisement date par deux monnaies d'Auguste. Nous y avons découvert nombre de vases peints, ains] qu'un masque de bronze (illuS1L 48) représentant probablement une divinité

m,l~culine, ~an~ doute le dieu de la guerre. Mars-Arè~. Cela renforce l'idée du caractère sacré de la résidence du chef militaire Basilells
1\0:> découvertes d'Ocnila ont attesté que les Géto- Daces faisaient a la fois uagc de l'alphabet grec et de l'alphabet latin. et prohablement qu'ils connaissaient l'une et. l'autre langue, Ce point est d'une importance histo­rique considàable, puisqu'il est sûr matériellement désormais qu'au temps d'Auguste -- et même plus' anciennement si l'on tient compte du monnayage local de type romain républicain. les Géto- Daces employaient l'alphabet latin et qu'ils connaissaient avant ïan 106 de notre ère, da e de la conquête de la Dacie. Nous partageons l'opinion de ceux qui estiment que les deux estampilles du vase de Gràdi~tea Muncelului -- la Sarmizégethuse clac; .- sont écrites en latin, qu'elle n 'ont aucun lien avec la chronologie des (' rois Il daces et qu'clles expriment le nom du Décébale et celui d'un prêtre. probablement le grand prêtre. L'adoption de l'alphabet nous permet d'affirmer que les prémisses de la future rorn:misation et'lient déjéi établies (et à Ocnija, nous le voyons employé par des catégories sociales autres que l'aristocratie et le::. prêtres. comme on dit d'habitude ~ rappelons à cet égard le mot Reb qui est, ù notre avis, un anthroponymc rendu par des lettres latines) (illustr nO 80). De même. pour ce qui est des croyances, les Géto­Dac'~ avaient coutume dès le 1er siècle avant notre ère de déposer un monnai' dans la tombe, pratique en usage dans le monde gn~co-rornain. Dans \:. nécropol el incinération de Ocnija (dont on a fouilié plus de 205 sep j tures jusqu'en 1973). on a recueilli trois pièces de monnaie; en particulier, la sépulture n° 89 contenait une monnaie romaine d'époque républicaine, de l'an 87 av. J. -C _. Donc. sur le plan des croyances aussi _.- qui est le plus intime, le plus conservateur - les Géto-Daccs sc trouvaient dans la .phère d'influence du monde classique, voire du monde romain longtemps avant le debut du IIe siecle. La carte des importations romaines il faut l'ajouter permet d'apprecier l'importance de l'influence romaine, et l'intégration des Géto-Daces dans le circuit économique romain, Les autochtones de la Dacie préromaine, non contents d'acquérir certains objets de lt!xe par la voie des importations (outils, parures, vases en verre, en bronze, etc), se mirent à fabriquer des formes qui relèvent de la civilisation romaine (vases en argile, peints ou non, de Ocnita). Il faudra reconsidérer la polilîque romaine à l'égard des Géro-Daces à la lumiére des découvertes récentes. en ce sel' que la zone extracarpatique du Sud des Carpat s était passée directement sous l'influence et peut-être même sous le contrôle c Rome dès j'époque d'Auguste.

Le ,la 'que en tôle de bronze de Ocnip dont il a été question plus haut (illustr. nf) 48) porte le sceau d'une double influence, romaine et celte. Certainement cel te œuvre d'art est le travail d'un atelier local. Dans le traitement des cheveux, entre autres détails, est conservée la manière hellénistique, adoptée ensuite par les Romains. A la période finale de la civili ation géto-dace remonte un nombre relativement élevé de terres cuites anthropomorphes, féminines ou masculines En 1973 on a découvert à Ocniia une figuri e humaine à tête de cheval. Les figurines collectées jusqu'à présent revêtent un caractère magique, lié à certaines pratiques cultuelles don! la survivance fut durable dans les croyances populaires. L'art tl1raco­gète comme celui de la phase géto-dace témoigne d'une parfaite continuité, tous deux comportent des représentations humaines, ce qui dénote une liaison constante avec l'art méditerranéen, gréco-romain. Des figures humaines apparaissent encore sur les

coupes (' déliennes », qui sont des imitations autochtones. Le prétendu (' médaillon)} de Sarmizé-gethuse, qui est censé représenter la déesse Bendis, ne fait que reproduire dans la terre cuite un denier républicain aux bords dentés.
En 1972 a été publié un fragment de céramique gète découvert sur le territoire de la villé de Bucarest. qui présente le buste d'une femme, les traits du visage très op essifs t't caract{;risés. N us ne saurions trop insister sur l'an monétaire des Daces aux époques antérieures al! 1er iècle av. 1. .. c., ainsi Ljue sur les imitations du denier romain d'épo lue républicaine: les autoch tones dès le premier siècle se sont approprié nombre d'éléments cara 'téristiques des monnai s ré ublicaines. Les motifs animaliers et floraux de la phase thraco-gète se maintinrent dans la phase suivante. Daces et Daco- Romains s'en serviron pour participer aux nouvelles synthèses de ces régions.
On peut wnclure que, clès avant la conquête. Rome avait pris les Géto­Daces dans la toile d'araignée de ,'on pouvoir. De lù vient la profondeur de la romanisation des Dac s dont nous traiterons ultérieure 1ent. L'histoire de la civilisation gèlo-dace tienl à l'action d'un facteur exceptionnellement actif qui. progress, nt du Sud vers le Nord, des Gètes jusqu'aux territoires occupés par les Daces, dans la zone intracarpatiquc et au Nord-Ouest de la Roumanie, l'a entraînée dans la sphère d'une civilisation supérieure: nous parlons du facteur héllénique. Assez vite après la fondation des po/eis du littoral Ouest du Pont- Euxin, ce facteur contribua au passage à la deuxième époque du FeL et il activa les échanges avec l'aristocratie locale, d'abord par le moyen du troc, ensuite par l'intermédiaire de la monnaie. Les monnaies les plus ,mClennes, nous l'avons dit, ont été celles frappées par Istros qui ont pénétré dans la ZOLe gète jusqu'au pied des montagnes. Pendant la période hel énistique, le ferment grec suscita une effervescence considérable dan toute la zone d'habitat des Géto-Daces, avec un effet particulière­ment profond dans le domaine gète. La conception que V. Pârvan et !. Andriqescu formulent par l'alterna ive « entre hellénisme et romanisme » ne doit pas s'entendre aujourd'hui dan' le sens d'un « choix », d'une hésitation du monde géto-dace, mais elle relie deux phénomènes historiques différents. L'hellénisme - dans son acception la plus vaste et la plu durable - a posé ies prémisses des liens entre le monde thrace des Carpates el le monJc m~ditcrranécn et il a contribué de la :;orte à accélérer la romanisation. Ainsi la culture de la Tène géto-dace s'insérait, comme celle des Celtes, dans révolution de la civilisation européenne. et par nombre de ses éléments - notamment un an où persistaient maints motifs orientaux -- elle allait participer aux synthèses du Bas-Empire en ces régions en relation avec le début des migrations et avec l'art des peuples germaniques.

 

LA DACO-ROMANIE DANS LE CADRE DE LA ROMANITÉ ORIENTALE
III

La 'ol1<,titution du bloc de la rornanité orientale, dont la définition il ete rosé~ par Jircèck el ci nt ks !imitl~s ont été précisées par es rl'Chen.:hes ultérieures, résulte des conquètes romaines dans les Balkans et les régions danubiennes; l'intégration de la Dacie dans /'orDis ronwflils en marque l'achèvement. Les guerres sanglantes

opposant aux Romains les difTérents peuples illyriens ou thraces furent suivies par l'œ vre d rornanisation: passage il lIlle vic urbaine, adoption de la langue latine, impl' ntation d'un nouveau mode de vie. Là où la « grâce helléne ». avait laisse son empreinte légère. l'énergie romaine va enfoncer profondément son SCC'lU (Sénèque). Sans nous ar êler aux étapes de la progression des Romains jusql'à la conquê e du bastion dace. nous nous propo'\ons de souligner certains traits susceptibles d'expliquer le maintien durable de l'œuvre romaine dans les régions danubiennes et le Carpates.

LE PROCESSUS DE LA ROMANISATION
Aiml qu'on l'a vu dans les pages précédentes, les Gélo-Oaces avaient créé une civilisation de haut niveau, unitaire et originale, fondée sur le très ancien foyer thrac'. civili 'ation qui constitua « le fonds de la culture daco­romaine» (V. Pârvan), de la romalîlte et de son prolongement roumain, Les Gelo-Daces, dès avant l'époque d/\uglste. étaient entrés dan~ la sphère d'influence romaine sous de multiples aspects, économiques. militaires, politiques et culturels. Auguste avait senti combien 'tait essentielle la fonct ion militaire el politique du Danube en tant Qlle frontière de l'Empire, de même que César l'avait entrevu en ce qui concerne le Rhin. Mais tandis que le Rhin séparait le monde des Celtes et celui des ethnies germaniques, le Danube, fleuve sacré Jes Géto-f)a '~s, traversait le cœur même du pays des Géto- Mc~ien s
L'avancee romaine jusqu'au Danube. avec pour conseque lee l'incorporation de la lcgllln ~ud-danubienne tout elltière, comme celle de la zone pontique av c la Dobroudja qui était rattaché à la Mésie inférieure, en 46 ap J _( . avait brisé une unité que n'affectaient pas certains particularismes entre Carpak et Balkans au sein du vaste tcrrito're de'. Thracc". l 'lt,lbli<;scrnent de la frontière romaine au D<lnuhe risait dü mêmc coup l'harmonie générale du cadre géographique des Géto-Daccs, cadre dont les 0léments physico­géographiques étaient constitués par le fleuve. la Mer Noire et la colonne vertébrale des Carpates, et qui avait ju qu'aiors assuré l'unité ethnique et cultun:lk des Géto-Daces. Le substrat thrace ancien n'cn pouvait être cntamt: rom autan, et sen action ne devait pas ,c la,;'>cr d,' mi,nife<;ler tout au long de la romanisation et au cours de son développement. Partout, en Dacie romaine, Jans les zorh~' extracarratiques el 'n Dobroudja. se .ont mainlenues es tradition laclles. la civilisation d:lco-romaine résultant d'une dOllhle action, celle du facteur romain (le romanismel d'une part. et L~lk d," ~ur livances gt~to-d(lces, d'autre part.

I.t:s prpfollJcs transformations qu'implique la romanisation dans le domillne t'conomique. social. politique et culturel. demandent ù être t:tudiées Jans une pcrspect ive historique en ce qui concerne les terri toi res releva nt de la roman i té orien tale LJ ne prem iére et longue ét ape est celle qui précéàa la COI1Lf"l:te Je la Dacie, si l'on tient compte de la romanité ud-danubienne. ('dl<:: romanité est bien plus ancienne que celle du :'-Jard du Danuhe, appelée a Ull long et g orieux avenir. Les premiers jalons en sont posés par Ill1lriant:ttion du pouvoir romain sur le fonds thrace et méso-gètc. Quand k~ Romains curent atteint le Danube. au temps de laude. en faisant entrer Jdns l'rmpire :l des litres divers tous les terri oire~ sud-danubiens. la rUl1l,lllilé va s'étendre ég~ lcmenl au Nord du Danube, ù commencer par rOltl'nie, la f\.hll1ténic et le Sud Je la Moldavie. Ainsi étaient posées les b(lSC~ de la future

romanisa ion de la Dacie. qui lira parti d'un terrain acquis et f:lvorahk au nouveau mode de Ii et de culture. ~ Ol savons déjù mis en é\ i(kncc que eles longtemps les Géto- Daces du Dan Ibe et des Carpates claient gagnés au circuit économique universel de Rome. Les importations romaines s'dccroissent au Irr siècle avant l'cre, la monnaie qui circule ù l'ép(lquc éLl!1t le denier de la Répuhlique romaine ou la monnaie dace du mémt: lype. La dlfîusion du denier républicain sur le territoire de la Dacie montre ;\ que! pOint le monde nord-danubien sc trouvait pri~ <lUX pièges de l'économie romaine en expansion. Les autochtone" connaissaient I\~criture et l' langue latines. les découvertes de Ocni~a. Gradi,tea Muncelului et Cetàtcni-Muscel l'attestent. A l'époque de Décébale. le~ importations romaines sont très nombreuses, l'influence de Rome gagne en importance et en efficacité, et les indigènes ~ 'approprient divers aspects matériel de la civilisation romaine en les imil' nt selon leurs goûts, leurs tradition et leurs besoins. Témoin la ceramiqut' peinte, par exemple celle d'Ocni\a (i!luSlr. n° 81,82), sortie des ateliers locaux à l'époque augustéenne. qui prend poUi point de départ, non seulement des formes d'ancienne tradition thrace, mais aussi des prototypes romains ou romano- hellénistiques. De même peut··on r ncontrer dans l'art préromain la présence de l'influence romaine avant l'an 106 de notre cre. Exemplaire a ce t.itre est le masque en tôle de bronze de Ocn ifa (i lIustr. nO 48). Les -cu lptures de la colon ne Trajane montrent des combattants daces munis d' l'mes romaines.

Dans le domaine, toujours sensible, des croyances, les Daces avai nt a(lopt' un usage gréco-romain, répandu dan le monde méditerranéen, celui de clepoer dans la sépulture line monnaiè destinée au terrible Charon. Cette pratique va devenir très fréquente chez les Daco- Romains. on en Ira Ive attestation à Bratei et dans d'autn.:s nécropoles daco-romaines. Bref il se peut que dès avant les deux guerre daciques de 01-102 et de 105-106, l'Olténie, la Munténie et la rv10ldavie méridionale aient été sous le contrôle de Rom" et qu'elles aient constitué pour l'Empire au 1 lord du Danube­probablement dès l'époque d'Auguste -, une zone de couverture. Les découvertes et les recherches des dernières années, la destruction (non suivie d'une rccon.lruction ') des fortifïca ions géro-daces édifiées sur la ligne des Subc< rpiltes méridiona!cs. ù Polovraci-Gorj. Buridava- Vîlcea, CeU'l\cnl­Musee!. Pietroasele (Gruiu)-Butiiu, el . montre que les tribus gètes de ia /0l!1: cxtracarpatique. de p.trt el d'autrl: du Danube. étaient entrées dans la sphcre cconomique et politique et passées sous le contrôle militaire de Rome, un siècle avant Décébale. L' Dobroudja qui s trouvait sou' la domination directe des Romains. représentait pour eux. vers l'E 1. une position stratégique nécessaire pour assurer leur puissance dans la région du Bas-Danube el sur te littoral Ouest et Nord de la Mer Noire. Aussi fut-elle dès les premièr s décen. ies une région d'intense romanisation. Face à la résistance de la population ind'gène et aux incursions des Bastarnes et des Sarmates dont parle l'exilé de Tamis - le poète Ovide --, les premiers empereur ont fixé leur attention sur le Bas··Danube. r)ll:~parant de la sone la conquête du bas ion dace. Camp" el forts se multiplient tout au long du fleuve, et des mi liers de tran danubiens sont transferés avec femmes et enfants. rois et chefs el tribus au Sud du Danube. qui ne constitua jamais une frontière ni au temps des Rom' ins, ni à l'époque des migrations. Cd te situation nous incite à croire. comme l'affirme C. Daicoviciu, que la province romain de Dacie comprenait

le territoire qui se trouvait encore s l:S Ï<lUtl rité de Décéhale quand il fut envahi en 106.

La romanisation représente un processus complexe. dans sa durée et dans sa profondeur Ce processus nt: saurait se réduire au facteur linguistique. l'adoption du latin populaire par la population thracoméso-gètc et dace. II a concerné tous les sècteurs de ta Vie matérielle et morale des autochtones. Nos archéologues ont relevé les transformations intervenues avant !a conquête tant SUf le plan matériel que sur celui de la culture spirituelle. Les voies de la romanisation furent multiples. Certes la colonisation olTicielle et ma ive de la province de Dacie pratiquée par l'Etat romain, contribua au déclenchem.:nt rapide et intense de la romanisation des populations soumises. L. même phénomène avait eu lieu en Dobroudja. et, à un degré moindre et paf d'autres voies, en Moldavie du Sud ainsi que sur la rive gauche du Dan lbe, en Munténie. La fondation de villes - ('O!OfI/(U' et lnllllici{Jia - action menée par les Romains dans la région situ'e entrt' Danube et Mer Noire t en Dacie, constitua rune des voies primordiales de la romani~a( ion. L'aU rJct ion des autochtones dans le système économique romain imposa d'elie-même l'usage de la langue l{\tine, et le recrutement des Ddœs dans les unité' miiitair s romaines aboutit au même ré ultat. La constitl tion Je CaLlCal a dè 1',\11 2 i 2 accorda ù la popu!Jtion !Ibrc de r acic -_. comme il celle de tout l'Empire - le droit de cité romain, les autochtones devenant ainsi des citoyens romains à part entière. Dans le processus de romanisation, l'armèe eut un rôle tout particulier en Dacie, qui fut province impériale. AliX environs des camps existaient des établissements civils (caflabae), où habitaient les soldats et leurs familles; certains furent élevés au rang de villes. A l'achèvement du service militaire d'une durée prolongée (jusqu'à vingt-cinq années), les vétérans recevaient des terres, le droit de cité romain pour eux, leurs épou es et leurs enfants, et la plupart d'entre eux s'établissaient en milieu rural. dans des communautés où ils jouissaient du respect et du prestige acquis. Le terme roumain hâlrill dérive de lleleranus (quelques inscriptions d'époque tardive offrent la forme heleraI/III). L a tradition de ces « bons et anciens hommes» - bénéficiant donc d'une reputation de prestige et d'expérience - survivra chez le peuple roumain tout au long du Moyen Age. Un nombre exceptionnellement élevé d'inscriptions - 3000 environ -- écrites en latin, donne à constater ­dans certains cas - qu'en l'espace de trois générations la romanisation d'une famille d'autochlones était chose accomplie. Sous le nom du dernier ,kscenJant on ne peut plus deviner le grand-père thraw-gètc. Bien sùr la romanis.ttion ne s'est pas accomplie uniformémenl ur tous les territoires nagucrc gdo-Jaœ~ Le proœssu se déroula de manière différenciée. En Sc; thic Mineure, sur les deux rives du Danube el en Dacie romaine, il fut plus profond; mais il se réalisa plus lenlement en milieu ruraL m0me dans les contrees subissant directement la domination romaine et on peut y cldmdtre aussi une période de bilinguisme. De même, la culture geta-dace de la Tène continuait au début de se développer parallèlement à la formalion de la civilisation provinciale-romaine (entendons la civili ation officielle urbaine, qui diffère de la civilisation daco-romaine ou géto-méso-dace). Parce que a romani ation avait été réalisée en une période d'essor du monde romain dans son ensemble, « •.. Ia Dacie garda à jamais son héritage romain, sa base linguistique romane résistant aux infiuences slaves et turques» (G A. M ansuell i : Les civilisa (ioll5 de l'Europe aile

ienlle, 1967, p. 326).

PLACE ET ROLE DES DACES LIBRES
Le rôle qu'ont joué les Daces libres dans la continuité de la romanisation et le maintien de l'unité ethnique et culturelle des Daco-Romains n'est apparu qu'à la suite des toutes dernières recherches. De même on n'a pas tenu compte avec toutes les nuances qu'Ile comporte, de l'action exercée par le milieu géographique, pour assurer l'unité ethnique et linguistique du peuple roumain aux temps anciens de sa constitution. La carte des frontières de la Dacie romaine montre que la province était entourée de trois côtés par les Daces libres qui avaient des liens directs avec les Romains. Le grand nombre des monnaies romaines découvertes en Munténie, en Moldavie, dans la Cri§ana et au Maramurq, les importations romaines, les imitations de productions romaines, l'assimilation de certaines connaissances technologiques romaines (le métier de la c'éramique) attestent que les Daces libres habitant au-delà des frontières de l'Empire ont été entraînés eux-aussi dans l'orbite économique et politique de Rome. Aux frontières de la Dacie et vers e Bas-Danube, ils se trouvaient en contact permanent avec leurs frères continuellement soumis au processus de romanisation. En fait, les Daces libres ont représenté, une réserve vivante pour la résurgence de l'élément dace dans la civilisation daco-romaine, et un élèment biologique porteur de créativité.

Grâce à l'aHraction des Daces libres dans le processus de la romanisation et de ta forrnation de la civilisation daco-romaine, l'unité ethnique et culturelle de jadis fut reconstituée, cette fois sous une forme daco-romaine. Dans les ci l'constances nouvelles créées par le retrait officiel des Romains de la Dacie, en 271, le rôle historique de cette population qui avait, en général, maintenu ses traditions et son organisation dans un cadre de communautés, en dehors de l'État romain. prit une importance tout à fait exceptionnelle. Le fait est connu: cc ne furent pas les Goths qui pénétrèrent après 271 dans la province romaine, mais bien les Daces libres. Les recherches archéologiques menées en 1973 à Stolniceni, département de Vîlcea, par GH. Bichir, sur le site de la Buridava romaine ont établi que les vestiges du camp romain furent recouverts par un horizon culturel relevant des Daces et non pas des Goths! Le Goths devaient pénétrer dans l'ancienne province de Dacie seulement au début du rve iècle, et pas pour la coloniser, mais pour y établir des camps militaires. Les actions des Daces libres - grand- Daces, Costoboques et Carpes - sont relatées par maint écrivain et attestées par les inscriptions antiques. Plusieurs empereurs romains avant et après Aurélien ponèrent le titre glorieux de Carpicus ou de Dacicus à la suite des expédition menée par ce vaillant peuple fidèle à ia tradition de Burebista et ci Décéba!e. Les découvertes archéologiques de Poiene~ti en Moldavie sont à mettre au compte des Carpes; le rituel funéraire fondé sur î'incinération et la conservation des cendres dans des urnes à cou ercle (dont quelques-unes affect nt une forme d'ancienne tradition dace) viennent le garantir, ainsi que d'autres traits relevant de la culture de la Tène géto-dace. A la forte influence romaine déjà notée chez les Carpes il faut ajouter certains éléments sarmates, tels des miroirs typiques et des vases à anses zoomorphes. Les Daces libres ont exercé une influence sur les cultures de Puchow et de Lipica, et c'est par leur intermédiaire il notre avis que furent

transmis aux anciens Slaves certains éléments de civilisation romaine. A preuve quelques mots d'origine latine que ces derniers reçurent à une époque ancienne, avant leur e 'pansion vers les Balkans et l'Europe Centrale. C'est par les Daces libres que l'on peut expliquer la conservation en roumain de quelques mots thraco-géto-daces, plus facilement que par la filière de la population conquise, restée pius d'un siècle et demi sous !a domination romaine. Ainsi la base géographique de la romanisation se révèle beaucoup plus large que la province romaine d Dacie. Le processus de la formation du peuple roumain et de sa langue s'est développé sur un vaste espace, débordant le territoire de la Dacoromanie carpato-danubienne dans la mesure où les Daces libres adaptèrent le mode de vie rom in aux conditions de leur mond rural, et comprena t des régions du Sud du Danube jusqu'à la ligne Jirecek. Cette ligne, telle que l'a vérifiée plus tard le philologue roumain Al. Phi!ippide, part du rivage de la Mer Adriatique, passe par Skopljé, et remonte au ord­Est jusqu'à un point sis entre Pirat et Bela Palan ka, pour aboutir aux confips des cités grecques du littoral pontique. Il y avait au demeurant encore d'autres zones latinisées à l'intérieur des Balkans. 11 n'est pas inutile de noter que cett,\!:>'1-romanité sud-danubienne, qui menait aussi une vie urbaine dans le cadre de l'Empire romain puis romano-byzantin, demeura en étroite liaison avec la romanité de Dacie, même à l'époque des migrations. La romanité orientale - et donc celle du secteur carpato-danubio­pontique - ne se rattache pas au point de vue linguistique au groupe occidental (A. Rosetti). On peut dire ta même chose en ce qui concerne la culture matérielle et spirituelle. Le substrat thrace et géto-ctace dans la zone en q uest ion, subst rat don t la longue vitalité persistante const i tue encore de nos jours un facteur d'unité dans l'Europe du Sud-Est, a marqué d'un sceau rarticuli la romanité orientale clans toutes ses manifestations.

L’ELEMENT DACE SUR LE TERRITOIRE DE LA DACIE ROMAINE

Les Daces ne furent pas anéantis lors des guerres avec les Romains. Leur continuité en Dacie romaine se laisse constater à divers titres. Plusieurs unités militaires (plus de quinze) furent constituées de Daces recrutés pour être envoyés dans différen es parties de3j'Empire: telle la 1 Cohors Aelia Dacorum; p us tard, au Ille siècle, les autochtones furent enrôlés pour des besoins locaux, pour compléter ies effectifs des formations militaires station­nées dans la province. Autre preuve de la continuité de la même population sur la terre de ses ancêtres, les noms des rivières et des principaux centres daces furent pour la plupart conservés à l'époque romaine, Sur le plan de la culture matérielle. si les Géto-Daces reçurent des Romains certaines formes et de nouvelles techniques. ils cons rvèrent égaiement toute une série d'éléments traditionnels: telle ia tasse dace à usages multiples, que l'on trouve dans des établissements ruraux d'époque romaine, comme ceux de Criste§ti ou de Lechinta de Mure§, et dans des nécropoles; le même vase dace figure dans des camps militaires romains. comme Micia, Mehadia, Orheiul Bi. trilei, Bretcu et Rj~nov. A Ri§nov on a recueilli une abondante céramique de fabrication locale, ce qui porte à croire que les soldats de ce camp étaient recrutés parmi les autochtones, comme ce fut Je cas aussi pour les autres camps, en partie du moins. Un autre type de vase, destiné aux provisions ._- le dotium '--, bi~n connu dans les cités daces, survécut également à

l'époque romaine, et on le rencontre encore au Ive siècle, affectant la même forme avec la même ornementation (une bande de lignes ondées). Les Daces, quoique romanisés, conservèrent le rite funéraire de l'incinération, on le constate à Soporu! de Cîmpie, Ighiu, Ca§olt, Sighi~oara et sur d'autres sites.

L’ART PROVINCIAL-ROMAIN EN DACIE
L'art des différentes provÎnces romaines s'insère, dans révolution de l'art romain, dans la phase qui correspond au moment de la conquête. En même temps, en raison du substrat ancien, cet art revêt des aspects particuliers, qui vont s'accuser à l'époque du Bas Empire. En dehors des œuvres reflétant le style de l'époque avec ses traits politiques, sociaux et religieux, toute une série d'œuvres d'art plus modestes, en liaison avec les couches sociales les plus pauvres (vétérans, artisans, paysans, esclaves affranchis, etc.), laissent percevoir une composante locale, qui est en quelque sorte une « renaissance» de très anciens héritages. L'aspect primitif, la fraîcheur, la naïveté et le naturalisme caractérisent cet art qui contrevient aux concep· tions du classicisme gréco- romain. Pareil phénomène n 't.'St pas propre à la Dacie, mais se constate aussi bien dans les autres provinces périphériques du monde rornain. La Dacie se trouvait à cet égard dans une situation spéciale . sur son territoire s'était épanoui avant la conquête un art dans lequel le fonds thrace ancien avait bénéficié de l'impulsion créatrice grecque, helknistico-romaine et romaine. D'autre part, l'art provincial romain de Dacie et du Bas-Danube s'est developpé dans le cadre d'une population puissante numériquement mais surtout d'un niveau de civilisation élevé. Enfin les Daces libres habitant au delà des frontières romaines ont exercé une certaine influence sur l'art romain de la province, tanàis que les Sarmates lui transmettaient des éléments relevant de la tendance « barbarisante », et que d'autres traits orientaux provenaient des colons ongmaires des provinces orientales de l'Empire. Les Géto-Daces des territoires conquis par Rome ont contribué au développement et à la transformation de l'art provincial romain. L'art romain de Dacie et du Bas­Danube présente des motifs d'ancienne tradition thraco-gète, comme le Héros cavalier thrace et les Cavaliers danubiens. Quelques sculptures du monument d'Adamclissi ont été exécutées par des artisans autochtones romanisés, ce qui lui confère une valeur inestimable pour notre histoire, comparable à celle de la colonne Trajane. Les sculptures d'Adamclissi manifestent une grande puissance expressive, la résurgence de très anciens motifs géométriques et un réalisme primitif de caractère populaire. On ne saurait assurément négliger ies traits d'origine occidentale dans l'art provin­cia! .. romain de Dacie, mais les caractères spécifiques de cet art lui confèrent, au totaL un faciès particulier.

 

L'ÉPOQUE DES PREMIÈRES MIGRATIONS
IV

On sait comment, sous le règne d'Aurélien (271-275), à la suite des incursions des Carpes et des Goths en Mésie et dans d'autres provinces des Balkans, une nouvelle situation se créa dans la région du Bas-Danube. La Dacie romaine, dernière conquête

de Rome, se trouvait être, du fail de l'évacuation officielle, la première province abandonnée en une période de crise sociale et économique de l'Empire romain, L'affirmation du pseudo­Yopiscus (suMalo e:r.:ercitu ef prGvincialibus) et celle d'Eutrope (abdllclos Romanos ex urbibus el agris Daciae) ont donné l'occasion à certains historiens de parler d'une évacuation totale de la population de Dacie, qui serait devenue une GOlllia, pour être ensuite une Sc!avinia, etc. Mais l'archéologie fournit des matériaux qui permettent une meilleure approche de la réa Ii té.

LA PRÉSENCE ROMAiNE ET ROMANO-BYZANTiNE AU NORD DU DANUBE

L'abandon de la Dacie fut un abandon militaire et administratif. Il ne représenta nullement un transfert de population (impossible en ce temps· là), non plus qu·'il ne fut un acte de renoncement el la province en faveur des Goths fédérés. D'ailleurs ces derniers ne devaient pénétrer que plus tard en Dacie; ils y furent devancés par les Carpes daces dont la puissance militaire fut détruite par les empereurs Dioclétien et Maximilien, une partie de cette population étant établie au Sud du Danube, en Mésie. La flotte romaine circulait sur le Danube et les Romains détenaient line zone importante au Nord clu neuve, qui restait un neuve romain, Tout au long de cette zone, des forteresses et des Yi lies telles que Drubeta Suc ida l'a, Cons lan! În iana­Daphne. étaient des foyers de civilisation romaine et des marchés pour les autochtones, Plusieurs fois les empereurs romains, manifestant leur volonté de domination en Dacie, intervinrent contre leurs alliés Goths, ou Sarmates, en entreprenant des expéditions, comme Constantin le Grand, ou en élevant des fortifications. comme Justinien. Constantin fit construire un pont de pierre sur le Danube. à Sucidava. Grâce à cette politique, l'Empire assura, même dans ces temps troublés, une possibilité de développement à la population autochton , pour laquelle la romanisation continuait. On peut de la sorte se rendre compte que le fameux « abandon de la Dacie» ne r présenta par une césure et ne tran forma pas en désert l'ancienne province. L'existence aux Ive_ye siècles d'une romanité sué-àanubienne forte. et en plein essor, malgré les attaques des peuples nomades - Goths ,et Huns principalement --- constituait line réserve pour les autochtones romans et romanisés du Nord du Danube, à l'occasion soit par de migrations volontaires dans une région où le mode de vie romain ne persi::,tait que sous des formes rurales et populaires, mais où on pouvait échapper au fisc romain et romano-byz..l11tin, soit de déplacements lors des expéditions entreprises de part et d'autre du Danube par les Romains ou par les migrateurs. Le Danube ne constitua donc pas une frontière infranchissable. D'ailleurs- une navigation normale sur le Danube ne pOllvait avoir lieu sans une domination de la part! , Romains sur la rive gauche du fleuve: de sor e qu'on peut dire que les Romains n'ont pas abandonné le territoire de la Dacie dans son ensemble. Les sources archéologiques, numismatiques ou écrites, attestent qu'ils conservèrent la zone lord durant toute la période allant de la fin du fne au début du Vie. Des découvertes archéologiques dans line série de vilies et de camps romains garantissent pour cette époque le déroulement de la vie civile et militaire Des vestigp ar"héologiques du Ive siècle, du temps de Constantin le Grand qui avai élargi la zone en question, prouvent la présence des Romains à Drobeta, au camp de Putinei, et dans

d" litres lieux. Les découvertes récentes de Drobcta, faites au cours des fouilles de 1970, en soulignent le caractère urbain et révèlent l'existence d'ateliers près des murs du camp qui ont été consolidés au ive siècle. Une ituation analogue se constate dans le voisinage du Castrum de Pietroasele, département de Buzâu, fouillé en 1973. Dans les deux cas, les vestiges romains et daco­romains constituent tout naturellement la base d'un matériel archéologique hétérogène qui a été recueilli. C'est à l'époque de Constantin le Grand que fut éle é le valluln en terre qui, d'Ouest en Est, relie les castra de Dobreta, Putinei et Pietroasele, ces derniers représentant des points fortifiés avancés, vers l'intérieur, au milieu d'une population qui n'était pas hostile au pouvoir romain. Les recherches archéologiques entreprises dans la zone des Portes de Fer, ont mis au jour des matériaux prouvant concrètement les mesures prises par les Romains pour assurer la navigation dans la zone Cal.ane­Klissura (voir les ruines du camp de Pojogina, celles des castella de Gornea et Svinita, celles du castrum de Dobreta, sans parler des autres points fortifiés romains au long du Bas-Danube): dès le début se milnifeste la volonté des Romains de considérer la Dacie comme terre d'Empire. La romanité orientale se consolida dans la période qui suit le règne d'Aurélien. C'est elle qui fournit les principaux contingents militaires pour la défense des frontières et qui donna le jour à des empereurs et à des généraux illustres, comme Aetius, le vainqueur d'Attila Etant donné le caractère particulier de la situation éconornico-sociaJe, le rôle important que jouèrent dans ces régions les paysans romanisés, la permanence de la vie urbaine, les réformes du Bas-Empin~ à partir du Dioclétien, l'Empire d'Orient allait opposer aux Barbares une politique habile dont les bases furent précisément situées dans la région du Danube, au temps des premières migrations. L'existence de part et d'autre du Danube d'une romanité en pleine vitalité (atlestée par l'exemple de Îa Scythia Minor: cf. le volume Roumanie), s'étendant sur le littoral de la Mer Noire jusqu'en Crimée sous la forme de la civilisation gréco-romaine, peut expliquer que la Dacoromanie ne s'intégra pas au Barbaricum, mais garda à jamais ses traditions daces et romaines, qui aboutirent à une nouvelle synthèse aux Ive - VC siècles, à l'époque des Huns. Cette romanitè danubio-pontiquc, comme l'Empire d'Orient tout entier, exerça une inlluence notable sur les peuples dits barbares, en particulier les peuples germaniques qui assimilèrent le mode de vie romain, en lui empruntant divers éléments de culture matérielle et spirituelle. Ces emprunts ont été adaptés naturellement il leurs besoins socio-économiques et à leur tradition du type de la Tène.

L'art des peuples germaniques, art décoratif et d'un intérêt figuratif médiocre, s'appuyait sur des techniques apparues à l'époque du Bas-Empire, comme le cloisonné, le champlevé, la filigrane, la granulation, etc. Les invasions barbares, si elles ont causé aux premiers heurts des dévastations, des destructions et des pillages, n'ont pas réussi pour autant à déraciner les populations profondément liées à leur territoire. La civilisation romaine, civilisation européenne de caractère universel et urbain, constitua un facteur d'intégration; selon les mots de René Grousset: « Quel que soit l'intermédiaire, nous retrouvons à la base de toutes les nations le fait romain» (i 946). Malgré la germanisation d\l monde latin d'Occident, la slavisation partielle du monde latin d'Orient et l'asianisation du monde grec, la rés rgence romaine est un phénomène caractéristique de l'Europe du IXe au XIe siècles, quand se constituèrent

en tant qu'entités ethniques différents peuples européens, dont les peuples romans. C'est alors que naît à l'histoire le peuple roumain. Ainsi comprise, l'ethnogenèse des Roumains n'est pas une enigme, non plus qu'un miracle. A moins que ne soit toujours un miracle l'apparition d'un homme ou d'un peuple à une certaine étape de l'h istoire ou dans un certain cadre géographique. Miracle dont il faut dès lors percer et connaître les cheminements, les réalités historiques.

 

LES MAITRES DE LA TERRE
V


Durant toute cette période de troubles, interrompue pourtant par de courts 110rncnts de stabilité, de synthèses et d'assimiiations ou de superpositions culturelle, demeura un fondement inébranlable: celui que constituait la population autochtone avec sa force de résistance, de mobilité, de polarisation el de développement. A l'époque tourmentée des migrations, ies autochtones daco-romains. puis romanisés ont représenté ce que Nicolas Iorga -- avec sa géniale intuition coutumière - dénommait « les Maîtres de la terre», Le arch' ologues roumain ont mis au jour, au cour des 30 dernières années. les vestiges matériels cie la civilisation de c s Maitr s de la terre; ce sont tantôt des éléments de cuiture primitive, tant' t des objets d'une factur . plus élaborée. !a plupart du temps épars sur de vastes étendues, mais à l'occasion rassemblés dans de espaces. plus restreints, e toujours étdyés au demeurant par la même t adition ancienne. géto-dace, puis romaine. Associées ;1 ces vestiges, les importations romaines, puis romano­byzantines ou byzantines. el les trouvailles de monnaies datant de la même époque. tOul garantit avec certitude que la région carpato-danubio-pontique demeura constarnm~~nt dans le adre de la romanité orient~ le. L s matériaux archéologique de la période postérieure ù l'an 300 - époque ù laquelle on peut fixer le début des migrations proprement dites - se répartissent en deux grands groupes: un premier gr upe releva rH des autochtones fait découvrir ulle population attachée de temps immémorial aux mêmes parages et se consacrant principalement à l'agriculture et à l'élevage du bétail: un second groupe ressortit aux peuples migrateurs dont la culture a ses traits spéci fiq \.les.
Cha 'un d ces peuples. et à plus forte raison ceux qui ont approché davantage ies aut chtones, a laissé un héritage, bénéfique aux yeux des historiens roumains, Qui se transmit au peuple roumain dont l'histoire, ainsi que l'écrivait en 1936 N, Iorga « est assurément en liaison avec to Iles les nations qui ont passé sur un sol bien plus étendu que celui de la Dacie. alternativement refuge et point de d'part. et surtout avec celle. qui, en se mainlcl1,mt plus longuement sur cette va te base géographique. ont contri­bué ù la formation de ce peuple ».

II ne peut aucunement s'agir, durant toute cette période po, teneure à 300, d'une « dispariti n» de l'agriculture chez les indigènes, d'un repli de ceux-ci au cœur des montagnes ou bien seulement d'une économie àe pùluragc. Les découvertes archéologiques faites dans les contrées de plaine viennent démontrer justement le contraire. Certains philologues de grand prest ige (tel Al. Rosetti) ont prouvé, par l'étude de la terminologie agricole, que l'agriculture continua d'être pratiquée en

même temps que l'élevage. Par ailleurs, le maintien des Roumains même dans les régions de plaine est démontré aussi par les noms de localités sises au beau milieu de la Plaine Roumaine -_.- telles que V/wiÎ et eodrul VlGsiei-/i/asca, du terme slave Vlahi désignant les « romaniques », c'est-à-dire les peuples parlant la langue latine.
Pour mieux comprendre dans ses structures ethnique et linguistique la culture ïOrnane, il ne faut jamais perdre de vue que ce qui a donné à la langue roumaine sa phy ionomie spécifique, c'est le substrat thrace et méso­géto-dace, facteur de continuité linguistique.
Dans le domaine de la civilisation matérielle daco-romaine, c'esl l'élément géto-dace combiné avec la composante romaine Qui est responsable de cette persi tance sans aucun césure. De même l'apport des Slaves anciens imprimera, tant sur la culture que sur la langue des autochtones, son propre sceau, distinct des traits des autres peuples romans, ceux d'Occident. Paralklcmcnt ù la formation, entre le Ile et le 1 ve siècle. de ce que les linguistes nomment « le latin oriental» (un latin populaire parlé en Mésie, en D<tcie et dans les contrées avoisinantes), s'est également formée une civilisation daco .. roma·ne, simplifiée, mai' dont les mêmes Maîtres de la terre ont fail une force démographique et ethnique décisive. Par la greffe ROMAINE SUR UN FONDS PRE-ROMAIN prit naissance une civilisation daco-romaine unitaire avec une langue romane unitaire depourvue de tout dialecte dans la region carpato-danubio-pontique. De l'avis de la plupart des linguistes roumains l'influence des Slaves anciens sur la langue des autochtones romans n'a pas commence de s'exercer a la fin du Vie siecle - époque où leur présence est attestée sur le territoire de la Dacoromanie par des documents archéologiques - mais bien pius tard. Au vrai, du point de vue linguistique, les Slaves n'ont pas réussi à altérer la romanité de la langue roumaine (vocabulaire fondamentaL morphologie, sys ème phonologique) ; mais dans le domaine de la culture matérielle que l'archéologie fait entrevoir, la présence slave est plus évidente (voir le chapitre la concernant), Quoi qu'il en soit, on peut, dès le VW siècle, parler de Proto-Roumains.

LA CONTINUITE DACO-ROMAINE

A l'époque des premières migrations, la Dacoromanie resta un lieu de passage pour les peuples migrants, iraniens, germaniques ou asiatiques, dans la mesure où ceux-ci ne s'établirent que sporadiquement sur les territoires habités par les Daco- Romains, le centre de leur pouvoir étant à l'Est pour les Goths ou à l'Ouest pour les Huns, les Gépides, et les Avars. Quelques autres peuplades, tels les Sarmates - Jazyges, Roxolans, Alains - qui pénétrèrent en Dacoromanie, furent assimilées peu après l'invasion des Huns. Celle-ci eut, pour résultat en 376, le passage des Wisigoths au Sud du Danube, \. Ostrogoths restant sous la domination des Huns installés àans la puszta. Les données archéologiques garantissent le maintien des autochtones, Romains, Daces romanisés et Daœs libres, dans les régions s'éten ant hors des frontières de l'Empire romain. Cette continuité de vie el de civilisation concerne non seulement les populations de l'ancienne Dacie Trajane, la Transylvanie et surtout l'Olténie, région d'intense romanisation, mais bien la Dacoromanie tout entière. A cette époque, les Daces libres (dont certains, les Carpo-Daces, constituaient encore un danger pour l'Empire), se trouvaient entraînés, comme nous l'avons dit plus haut,
dans le processus d'acculturation cultur Ile et linguistique romaine: ils amorcèrent avec les Romains et les populations romanisées de l'ancienne province, une synthèse qu'illustre, au temps des Goths, l'horizon culturel SÎntana de Mure~- Tcherniakhov. Sur ce phénomène des preuves concrètes ont été fournie" par les fouilles entreprises au cours des trente dernières années, selon les desiderata exprimés avant la Deuxième Guerre Mondiale par 1. Andrie~escu, l'un des fondateurs de l'archéologie pré- et proto-his orique roumaine. L'archéologie du 1er millénaire et des temps médiévaux, création récente de l'école roumaine, n'est pas du type d'une archéologi préhisto­rique : elle ne saurait se contenter de dénombrer des monuments pour faire connaître le sade d'évolution d'une population ou d'une société, puisqu'elle possède des sources historiques et des documents linguistiques aptes à fournir une interprétation historique objective et scientifique des matériaux en question, du point de vue ethnique. C'est elle qui révèle la continuité sur l' nsemble de la Dacoromanie à l'époque des premières migrations (IVe­VIe siecles), de communautés paysannes et de villages, bref d'une population r !raie pastorale et agr:cole n faisant pas partie des migrateurs, ainsi qu'il ressort de ses traditions daco-romaines. En dehors des vestiges si ués au Nord du Danube sur le territoire relevant directement de la domination romaine, il est notable que certains cen tres urbains et viUes romaines en ruines étaient encore habités par les Romains et les Daces romanisés: on \'a constaté par exemple à Apulum (Alba Julia) où furent retrouvées des fibules en bronze à boutons datant du Ive siècle, et une nécropole dont les tombes de briques cuites étaient construites entre les murs ruinés des anciens édifices publics. Ces sépultures ont livré des braœlets de type romain, des fibules de l'espèce décrite plus haut, des perles et des monnaies d'époque constantinienne. Sur l'emplacement de la ville de Napoca <Cluj), ou dans ses environs, on a recueilli nombre de monnaies, des fibules en argent à demi­dise ue d'origine pontique, des pendants en bronze et en argent aux extrémités terminées par des cubes, des fibules à tête demi-circulaire avec trois boutons d'un type dérivé des fibules ponta-gothiques, etc. Au Ive siècle, dans l'agonie des villes de Dacoromanie, l'ancienne population urbaine clairsemée parmi les ruines devai.t adopter un mode de vie rural, qui allait se gén' raliser aux ve siècle. De ce phénomène témoignent les termes roumains pamin t (terre) et sa ( (village), déri vés respectivement de pavimentum (pavé) et de fossatum. Le nom sot, de par son contenu historique. révèle !'ex'stence d'une population stable, préoccupée de mesures de fortification et de défense de ses établissements (je latin fossGtum signifiant fossé de défense), nécessité qu'exigeait justement le passage des peuples migrateurs. Actte époque les Daces libres du Nord et de l'Ouest de l'ancienne Dacie Trajane et les Carpo-Daces constituaient une force militaire et politique, jusqu'aux victoires que remportèrent sur eux les empereurs Dioclétien (284-305) et Maximilien; leurs défaites contrai­gniren t en partie les Carpes à s'établir au Sud du Danube, mais la plupart des Daces libres restèrent au demeurant en Dacoromanie, nombre de découvertes archéologiques le prouvent. Ils contribuèrent à l'élaboration d'une synthèse culturelle qui trouve son expression dans la civilisation de Bratei. Celte présence des Daces libres est attestée par la facture dace d'une céramique façonnée à la main ou tournée. et par l'existence de. nécropoles à incinération (telle celle de Cipâu en Transylvanie), indiquant la pénétration des Daces de l'Ouest. L s matériaux

archéologiques. ceux de factur romaine en milieu dace et ceux conçus par les Daces à l'imitation des prototypes romains, montrent l'attraction vers la civilisation romaine que subissaient depuis longtemps les Daces libres de l'Ouest (de Maramure§ et de Cri§,ma). Le départ des autorités romaines eut pour suite l'apparition des conditions nécessaires à la constitution d'une civilisation unitaire. L'assimilation d'autres éléments releva t des premiers peuples migrateurs, Sarmates et Goths, permit sa réalisation.

LES SARMATES ET LES GOTHS EN DACOROMANIE
Peuple iranien nomade de pasteur et de guerriers cavaliers, les Sarmates se sont trouvés dès avant notre ère en contact avec les Géto-Daces. Ils exercèrent sur eux certaines influences, décelables à l'époque romaine dans la c'vilisation de .oiene§ti-Chilia. Des infiltrations dans les territoires habités par les Géto-Daces se produisirent, mais, mis à part les Jazyges qui s'établirent à l'Ouest de ia Dacie vers le milieu du (er siècle de notre ère, les autres Sarmates (Roxolans et Alains) -- au demeurant assez peu nombreux -- n'opérèrent une pénétration massive qu'au IW siècle sous la pression des Goths. Les redoutables cavaliers cuirasés (cofaphracrarii) étaient aloI' plus légèrement armés, et dépendaient peut-être des Goths. Leur présence sur le territoire roumain est attestée par l'existence de sépultures à inhumation, dont le mobilier comprend des miroir' à destination apotropaïque portant au dos des monogrammes en relief (lamga) ayant sans doute une signification magique, des glaives à poignée terminée par un anneau, des fibules, etc. Les sépultures de femmes renferment des perles de verre, d'ambre, de corail et de pierres semi­précieuses qui se portaient en colliers ou étaient cousus au bas des vêtements. La pratique de la déformation artificietle du crâne, usage d'origine asiatique qui fut également connu des Huns, se constate chez les Sarmates, surtout chez les Alains. Quant aux Sannates-Jazyges, les récentes fouilles archéologiques prouvent qu'ils n 'ont habité que la région de plaine de l'Ouest du Banat. La région d bassin infërieur du Mure~ révèle un habitat dace important: c'est là qu'on connaît aujourd'hui la cité dace de Pecica e celle de Soimu~ sur la rive du Mure~. De même l'occupation romaine est confirmée par des docume ts jusqu'au confluent du Mure~ et de la Tisza. Au Ive siècle de notre ère existaient de nombreux établissements autochtones demeurant en liaison permanente avec la romanité du Sud du Danube. Les sources écrites parlent aussi des Sarmates, toujours à propos des Sannates-.Iazyges: Ammien Marcellin fournil des renseignements sur raide qu'ils demandèrent contre les Goths à l'empereur Constantin le Grand en 332. Accordant cette aide, l'empereur romain innigea à leurs adversaires une grande défaite. Mais par la suite un connit éclata au sein même de la confédération sarmat , entre 1 s Argaragantes et Limigantes, ces derniers ayant été, de l'avis de l'historien romain, les « esclaves /) des premiers; !es Li mi gantes , utilisa It les armes reçues lors du connit contre les Goths, r'ussirent à vaincre leurs « maîtres ». Ces Limigantes seraient, selon certains auteurs, des autochtones daro-romains soumis aux Sarmates­Jazyges. Quoi qu'il en soit, les Sarmates disparurent peu après le tumuite hunnique, à la fin du Ive siècle; ils ont au demeurant contribué à la genèse de la nouvelle civilisatio 1, à laquelle est liée le nom des Goths.

Descendus par vagues successives de Gothiscandas et du rivage de la Baltique vers la

Mer Noire, les Goths s'établirent dans la steppe boisée et au lue siècle, au cours d'incursions contre l'Empire romain dans lesquelies les Carpes étaient leurs alliés, ils ravagèrent les vi.lles de Tanaïs, Olbia et Tyras. Au contact du monde gréco-romain du Pont, le clivage social s'accentua chez k-s Goths. ils empruntèrent nombre d'éléments de cette civilisation pontiquc qui, par l'amalgame de multiples facteurs si divers, joua un rôle d'une telle importance au temps du Bas-Empire et au début des migrations. L'art des Goths, de même que celui de tous les peuples migrateurs, fut un art princier. Mais r..ontrairement aux peuples nomades des steppes, ils pratiquaient l'agriculture: ainsi créèrent-ils une civilisation d'un caractère hétérogène, sur leur territoire d'habitat comme sur leur aire d'expansion. Les études entreprises après la Deuxième Guerre Mondiale au sujet de la culture de Sîntana de Murc§, sur le territoire de la Roumanie, ont abouti à certaines conclusions révélatrices. Oe l'analyse détaillée du matériel archéologique provenant des fouilles des vingt-cinq ou trente danières années, il ressort qu'on ne saurait attribuer cette civilisation qu'aux peuplades germaniques et notamment aux Goths.
Son caractère est hétérogène, bien qu'une coloration germanique soit predominante dans sa structure. La conception qui fut quelque temps en faveur dans les milieux archéologiques, selon laquelle la civilisation de Tcherniakhov aurait relevé des Slaves, est de toute évidence erronée. Cette civilisation est connue, pour le territoire de la Roumanie, sous l'appellation de Sîntana de Mure~, du nom d'une localité sise Cil Transylvanie, dans le département de Mure~. C'est là que l'archéologue l Kovacs entreprit, au début du siècle, des fouilles dont les résultats ont ét.é publies à Cluj en 1912. Aussitôt après la Premi.ère Guerre Mondiale, Ion AndrÎl;;~escu commençait des fouilles dans la nécropole de Oinac~Giurgiu, les premières de ce genre effectuées dans la zone extracarpatique de Roumanie. Au cours de la Deuxième Guerre Mondiale et surtout après 1944, des campagnes ont été menées de façon systématique sur le territoire de la Roumanie; elles donnèrent lieu à la publication d'études de détail et de monographies importantes (cf la Bibliographie sommaire). Nul n'ignore aujourd'hui que cette civilisation connut une vaste diffusion, qu'elle atteignît, à l'Ouest de son aire d'expansion, les Monts Occidentaux qui lui furent une barrière, que pour l'Olténie on ne mentionne qu'un réseau assez lâche de découvertes du type de Sîntana de Mure~, mais que les autres contrées de la Roumanie sont abondamment pourvues de documents la concernant. Rappelons ici - outre Sîntana de Mure~ et Oinac - les nécropoles de Spanfûv, Tîrg§or, Olteni, Gharâ~eni, lndependenia, Mono~ani, Erbiceni.Ia~i, Ciumbrud, Sr. Gheozhe, etc.

Cette civilisation s'est formée sur le cours supérieur et moyen du Dniepr, d'où sont parties des migrations en direction de l'Ouest et du Sud-Ouest. Dans son élaboration et dans sa structure intime sc laissent à présent reconnaître divers facteurs. Une composante romaine est dûe au contact du monde germanique avec la culture plus élevée des Romains: voir le célèbre trésor -de Pietroasele-Buzâu, appartenant aux Ostrogoths, et datant probablemen du début du ve siècle: certaines pièces portent la marque de prototypes romains et d'une technique utilisée par les ateliers romains (illustr. nos 114-117). Une autre composante, sa l'mate. revêt un aspect propre aux peuplades iraniennes de la steppe; on sait que les Sarmates ont eu avec les Goths des relations étroites. et que le secteur oriental du complexe de Tcherniakhov-Sîntana de

Mure~ révèle. bien plus nettement que le secteur central et que le secteur occidental, un élément sarmate (en reval}che. dans les d ux dernières zones, la composante dace est assez importante). Les résultats des recherches effectuées en Roumanie au cours des dernières années sont à cet égard probants. Si la coloration prédomi­nante du complexe de Tcherniakhov-Sîntana de Mure~ est fournie par les Goths, tl faut pourtant retenir, comme un fait définitivement acquis par la science archéologique, la participation efficiente de la population autochtone il la genèse de ce complexe: c'es~ bien le monde autochtone difTércncié et romanisé, qui a constitué un facteur de continuité et qui a favorisé la fixation des peuples germaniques migrateurs sur la terre géto-dace, alors en passe de devenir romane. Il suffit de montrer qu'en Munténie, par exemple - où un matériel archéologique a été recueilli en assez grande abondance pour le Ive siècle --. la langue latine était connue. écrite et bien entendu parlée. En témoignent un fragment de céramique de Curcani-lIfov portant incisé le nom de Mi1is et un fragment d'assiette, œuvre d'une technique primitive mais dont le potier était fier puisqu'il proclame: Aurelius Si/l'anus fecit pataelam bonam. Cette trouvaille provenant de Socetu, département de Teleorman, est conservée au musée de Ro~iorii de Vede. Ulfila, qui au Ive siècle traduisit la Bible en gothique et prêcha en cette langue parmi les peuplades gothiques de l'actuelle Munténie, prêcha tout autant en latin pour les autochtones romans. De rnême la présence de Saint Sa va en 372 dans le Nord-Est de la Munténie, et le fait qu'il fut noyé dans les eaux du Buzàu pour avoir prêché la religion nouvelle, le christianisme, assurent de la présence dans cette région non seulement des Goths, mais encore des autochtones romans. Les fouilles archéologiques conduites par Gh. Diaconu en 197 3 dans le camp de Pietroasele ont mis en évidence un habitat, et des Goths, et des autochtones. Mi§u Davidescu a donné récemment un témoignage dans le même sens pour la forteresse de Ive - ve siècles de Drobeta.
Il s'ensuit que, du point de vue historique et archéologique, la culture de SÎntana de Murq ne peut plus être jugée et comprise que sur le fonds autochtone, et pour ce qUI est des Goths, seulement en rapport avec l'Empire. En J 76 les Wisigoths demandent la permission de s'établir au Sud du Danube.

Le rappel s'impose ici d'un fait prouvé par les recherches menées récemment sur les lieux; une fois évacués les troupes et l'appareil administratif de Rome en Dacie, ce ne sont pas les Goths qui ont envahi l'ancienne province. comme on le croyait naguère, mais bien la population autochtone extérieure à la province, c'est-à-dire les Daces libres qui étaient entrés eux aussi dans le processus de romanisation. L'étude stratigraphique faite en 1973 par Gh. 8ichir dans la forteresse romaine de Stolniceni sur l'Oil (la Buridava romaine) montre que la couche superposée à la couche romaine ne ressortit pas à une culture gothique, mais à l'horizon culturel de la population libre habitant à l'Est de l'Olt. Dans un habitat autochtone du Sud-Est de la Transylvanie, à Hasman .. Bra~ov, dont le développement se prolongea tout au long du Ive siècle, apparaissent les premiers éléments de la culture de Sîntana de Mure~ qui se poursuit dans la région â l'Est des Carpates. Grâce à l'étude approfondie de cenains éléments de la culture gothique, K. Horeclt a pu établir que les Goths ont pénétré en Transylvanie vers la seconde moitié du IVe siècle seulement, pour évacuer ensuite le pays dans la première moitié du ve siècle, sous la pression des Huns; de l'Ouest et du

Nord-Ouest ce sont toujours les Daces libres qui étaient venus d'abord. Les trouvailles faites récemment dans le Maramure~ et dans la Cri~ana (Carte A) presentent de très nombreuses affinités avec celles de la province. De même la présence d'éléments de civilisation romaine et de monnaies romaines atteste - ainsi que pour la Moldavie., la Bucovine et la Munténie - que l'unité du foyer géto-dace avait persisté en Dacie même pendant l'occupation romaine. C'est sur cet habitat que s'est consolidée l'unité daco­romaine (que reflète d'ailleurs si clairement le matériel archéologique recueilli au cours des trente dernières années), et les Sarmates comme les Goths ont été impuissants à l'anéantir. Elle a continué de s'affermir dans l'ancienne province de Dacie, après l'an 271 de notre ère el un siècle durant, en toute liberté et en l'absence de tout élément migrateur. Selon l'opinion de K. Horedt, le problème de la continuité daco-romaine en Transylvanie ne se pose même pas pour le siècle qui va de l'abandon officiel de la Dacie à l'invasion des Goths. Cett(~ conception est étayée sur une documentation archéologique précise et sur une interprétation historique cohérente-­interprétation que nous partageons d'ailleurs intégralement -- La Dacoromanie du Ive siècle et du début du siècle suivant constituait une unité. avec des zones diversifiées de caractère essentiellement romain ou essentiellement dace, possédant des centres plus ou moins actifs. Cette unité reposait sur la romanité danubio-balkanique dont elle représentait la prolongation. C'est pourquoi -- nous insistions sur ce point dans le sous­chapitre précédent---la Dacoromanie de cette période ne faisait point partie du Barbaricum ; dés le début elle a exercé line inlluence sur les peuples migrateurs, sur les Goths en premier lieu. Le mobiiier funéraire de la nécropole de Slntana de Mure~ lui-même n'est pas unitaire Son caractère hétérogène s'explique par lïntervention du fonds daço-fornain, sur lequel, pour une brève période, les Goths de passage se sont établis. Avec l'invasion des Huns commençait une nouvelle étape du développement historique et culturel de la Dacoromanie.

LE TEMPS DES HUNS
En 376 les Huns, qui l'année précédente avaient atteint le Don et poursuivaient leur avance vers l'Ouest, furent vainqueurs des Goths. La branche des Wisigoths demanda la protection à l'Empire romain-byzantin et passa aL! Sud du Danube, tandis que les Ostrogoths se soumettaient. La culture de Sîntana de r"1ure~ continue d'évoluer au-delà du dernier quart du rve siècle, puis elte disparaît lentement ou son héritage est impercep­tiblement assimilé par les Maîtres de la terre. Dans les conditions d'insé­curité et d'instabilité régnant à la fin du Ive siècle et au Ve, la force apte à assurer la continuité historique et ethnique dans les Carpates et les régions danubiennes sera toujours représentée par la population autochtone romane. La présence de celle-ci -- en tant que productrice de nourriture -- était absolument nécessaire à la nouvelle couche dominante, en roccurence les Huns, qui supplantaient la peuplade germanique. L'anéantissement de cette dernière n'a pas déclenché, comme on serait immédiatement tenté de le croire, des conséquences désastreuses pour les indigènes. Des matériaux archéologiques prouvent la persistance sous l'occupation des Huns de groupements gothiques épars, qui seront peu à peu absorbés par les autochtones, ou dériveront en direction de l'Ouest ou du Sud.

Peuple de guerriers nomades, les Huns avaient pour réussir à s'imposer non seulement la force des armes, mais aussi le sens de l'organisation et une politique souple à l'égard des populations soumises. ils s'établirent dans Ta plaine de la Tisza et du Danube moyen, mais entreprirent dans toute la région carpato-danubienne des raids de piilage et d'intimidation. Les expéditions conduites par Attila en 442 et 447 consommèrent ia disparition de la vie urbaine dans la romani té nord-danubienne et carpatique. Les villes et les fortifications reconstruites ou édifiées à neuf par Constantin le Grand furent détruites. Les sources écrites nous parlent de soixante-dix villes, parmi lesquelles Sucidav3, pillées et anéanties par Attila. Les autochtones fixés sur toul le territoire de la Dacoromanie adoptèrent un mode de vie rural, de caractère vi!lageois. Certains chercheurs commençaient à accepter l'opinion selon laquelle, à partir du yc siècle et pendant les sièdes suivants, les aborigènes auraient totalement abandonné i'agriculture pour se consacrer exclusivement au pâturage, activité permettant une plus grande mobilité et un repli vers les montagnes. Or les découvertes archéologiques du ye siècle viennent infirmer cette conception: elles prouvent le maintien d'un habitat en plaine et la persistance de la pratique de l'agriculture - dont la terminologie latine n'aurait pas sans cela rester dans la langue roumaine jusqu'à notre époque. Les relations avec la romanité sud-danubienne ne sont pas davantage interrompues; du Nord du Danube et dans les Carpates circulent des monnaies et des marchandises d'importation romaines ou rGmano .. byzantines. Dès cette période ont dû se nouer entre les indigènes et la couche dominante guerrière des Huns certains rapports, tenant compte des communautés villageoises ou des groupements ruraux, à propos 'de leur représen tat ion auprès des guerriers étrangers, ou pour fixer le mon tant du tribut et la forme sous laquelle il serait perçu. C'est à l'époque de la domination des Huns sur la population de Da.coromanie qu'il faut faire remonter, à notre sens, le début de l'établissement d'un mode ou système de production qu'on peut appeler « tributaire ».
Malgré tout la cour d'Attila connaissait un genre de vic à la romaine, et les sources indiquent qu'on y parlait aussi la langue léHine. Pour ce qui est de la culture matérielie de la Dacoromamc à la fin du Pv'c et au yc siècle, une riche série de documents archéologiques atteste une évidente résurrection­une renaissance - des traditions géto-daces, romaines et romanes. Cette culture indique, concrètement et dans des formes propres, une restauration de l'unité, ayant cette fois une structure romane certaine. Cela étant, la domination des Huns a créé des conditions favorables au maintien de l'unité et à des relations entre la romanité carpato-danubienne et la romanité sud-danubienne, en i'occurence avec 1.'Empire. La forme 'oeio-' conomique « tributaire) que nous évoquions plus haut a constitué un modus vivendi aussi bénéfique aux indigènes qu'aux Huns migrateurs.
La civilisation de l'époque de domination d s Huns est connue en Transylvanie sous le nom de culture de Bratei; sur ce .Ie-ci nous sommes aujourd'hui renseignés grâce à la monographie du cimetière n° 1 de Bratei (Ligia BÎrzu). L. facteur roman y prédomine, mais son contenu laisse apparaître aussi une composante de tradition géto-dace, ainsi qu'une composante issue de la ultüre de SÎntana de Mure~, as imilée et intégrée dans la nouvelle civilisation romane. Il e iste dans l'ancienne province de Dacie d'autres cimetières et habitats datant de l'époque en question.

En Moldavie - comme dan l'ensemble d la Roumanie orientale - cette entité culturelle est connue comme culture de Costi~a, d'apr's le nom d'une localité sise dans le département de Neaml, où dès l'année 1962 des fouilles ont été menées de façon systématique. Des trouvailles similaires ont été faites aussi à Dode~ti, département de Galatzi, à CrÎnga~i Bucarest, Taga­Cluj, Cipàu-Murq, More~ti, etc. A !"poque du complexe culturel de Bratei­C sti~a, la population habite ies terrasses des fleuves ou je voisinage de certaines sources d'eau potable. Les établissements installés sur des hauteurs se rencontrent moins fréquemment. La céramique est fabriquée à ia main (dans des formes de t adition dace) ou tournée. Les mêmes traditions daces et romaines sont décelables dans le rite et le rituel. Il est a retenir que la céramique: du Vie siècle continuera à se développer, pour la technique, la forme et l'ornementation, sur la base de celle du ve siècle. Notons ici un résultat prouvé par les fouilles archéologiques de la nécropole de la Tène d'Ocnila (Ocne!e Mari), département de Vîlcea: la calcination des fosses qu'on observe au cimetière nO 1 de Bratei, était pratiquée déjà par les Géto­Daces avant la conquête de la Dacie; il n' st donc plus nécessaire de passer par l'intermédiaire des colons illyriens installés en Dacie romaine pour expiiquer ce rituel relatif aux tomb s à incinération.
L'économie de la période en question est fondée sur l'agriculture, l'élevage du bétail et l'artisanat, ce qui indique une population romane stable et relativement aisée. Dans les tombes de Bratei par exemple ont été découverts en abondance des ossements d'animaux, qu'il faut mettre en rapport avec les offrandes déposées au fond des tombeaux.

La fin du Ive et la première moitié de ye siècle sont en outre caractérisées par une série de riches trésors ou àe mobiliers de tombeaux princiers ayant appartenu aux plus éminents représentants de la couche dominante, installée pour un temps dans les parages carpato-danubiens. Exemplaire est à cet égard le célèbre trésor de Pietroasele··Buzâu, appartenant aux Ostrogoths, qui fut mis à l'abri au cours de l'époque troublée qui suivit la mort d'Attila en 453 (K. Horedt). De la même époque datent également les deux trésors d'Apahida, ceux de Conce~ti, de Some~eni-Cluj, Tâuteni-Bihor (illustr. n° 123, 124, 138). La tombe du chef germanique Omharus, datée de la deuxième moitié du ye siècle, peut être mise en rapport avec la domination des qépides après la mort d'Attila et la défaite définitive des Huns. Le mobilier de la tombe princière de Conce~ti, qui se trouve maintenant au Musèe de l'Ermitage à Leningrad, semble remonter à ia même époque que celui de Tâuteni. Les deux trésors de Simleul-Silvanici, département de Sâlaj, ont été datés du ye siècle. Le trésor de Tâuteni, découvert en 1970, comprend deux vases romano-byzantins en argent doré. joliment décorés. Ces vases portaier,t des inscri tions, non encore déchiffrées. Leur om men ation au repoussé est d'une technique différente du procédé cloisonné des vases de Conce~ti et d'Apahida pourtant contemporains (ye siècle). Les motifs décoratifs et la technique d'application, se rattachent au monde gréco-romain et romano-byzantin. De tels trésors et mobiliers funéraires supposent une ransmission des traditions et des produits de l'antiquité tardive par la filière locale parmi les chefs des peuplades migratrices, mais ils mettent aussi en évidence « le mirage» fascinant que Rome et à sa suite Byzance ont exercé sur le monde des migrateurs. L'exceptionnelle richesse de ces trésors en métaux précieux, de même que leur val ur

artistique ir.lcontes able, démontrent le contraste flagrant entre la pO~ltlon dominante des possesseurs de telles fortunes et la situation matérielle médiocre de la population au ochtone stable. Celle-ci se distingue nettement des peuples migrateurs par sa culture matérielle modeste, mais d'ancienne tradition. Du point de vue démographique, les fouilles archéologiques menées récemment dans les établissements et les nécropoles, ainsi que les découvertes fortuites, sont garantes d'une telle conciusion.

 

CONTINUITÉ ET tJNITÉ
VI

LE COMPLEXE CULTUREL D'IPOTESTI-CINDESTI
L'unité ethnique el culturelle -- cette fois-ci daco-romaine --- s'était canso­1 idée aux le el ye siècles de notre ère, comme nous l'avons indiqué au précédent chapitre. Bien que, dans sa structure générale, cette unité clhno· cultureHe concerne tout l'ensemble de la zone carpato-danubienne, les aspects différents de la C llture matérielle dans les divers secteurs obligent à parler d unité dans la diversité. L'époque des Huns et le fréquentes périodes d'instabilité n'ont pas réussi à en ébranler les fondements culturels ni à dissoudre la cohésion ethnique locale.
Pour les V le - V Ile si~cJes, les découvertes archéologiques font connaÎlre un complexe culturel d'une vaste extension géographiq e qui atteste la conso­lidation de l'unité romane. e complexe, connu sous la dénomination générale et conventionnelle d'Ipole~ti-Cînde~tj - mais parfois aussi de f' çon plus complète comme complexe de Ciurelu (Bucarest)-Bratei-Mo e~ti (Transylvanie)-Costi~a-Boto~ana (Moldavie) -- est plus abondamment pourvu en matériel d ns les stations éponymes. Eugenia Zaharia a attribué en ] 974 au complexe d'lpote~ti-Cînde~ti une nécropoie d'incinération . ntérieurement considérée comme slave par 1. estor, celle de Sarata­Monteor , département de Buzau, où d'intenses recherches ont permis la lni-e au jour, entre 1940 et 1958, de 1586 tombes. Dans ce 'aste cimetière existent, il est vrai, certains 'Iéments autochtones, comme la céramique travaillée au tour rapide (mais celui-ci a fort bien pu être un emprunt fait aux autochtones), et E. laharia mentionne la découverte dans une tombe d'un - bjet en verre paléochrétien (phylactère) avec d'au l'es éléments de ca 'acte:re autochtone.
Cependant, à notre sens, la nécropole de Sarata-Monteoru demeure un mOllU11èl11 sun ut sl<lvc, et la présence en cc iieu de certaIns éléments de culture marérielle et spiritu~lIc non slave des VIC. vue siècles éclaire le proce!>sus des cuntacts puis de la symbiose entre les autochtones et les Sla 'e , qui aboutit à l'assimilation de ces derniers.

La culture d'Ipot~ti-Cînde~ti (le terme étant pris dans son acception archéologique) est connue aujourd'hui sur tout Je territoire roumain, et non pas seulement à l'intérieur ou à l'extérieur de l'ancienne province romaine de Dacie. Aussi peut-il être utile de signaler ici d'autres établissements porteurs de cette culture, sur plusieurs points du territoire de la municipalité de Bucarest (Straule§ti, Maicâne~ti, Militari, Damaroaia Cernica etc.) de Munténie (Olteni, Stïnle§ti, lpote§ti -- sur la rive gauche de l'Olt,

département d'Olt -, Tîrg§or-Prahova etd, de Moldavie (Boro§ana-Bîtca­Oituz, Dode§ti, Costi§a- Neaml, Davideni, Tîrpe§ti, Ude§ti-Suceava, Curtea-Domneascâ (Cour princière)-Bacau etc.), de Transylvanie (établissement n° 2 de Bratei - dont la culture laisse apparaître une conti· nuité avec la période antérieure de l'établissement nO 1 et du cimetière n° 1 - Bezid, Poian - établissement nO 1 -, Filia§ etc.) et sur le territoire de l'Olténie CBabeni-Oltet, l§alni;a, Stolniceni, Salcia, Gura Motrului, Craiova etc).
La documentation archéologique accumulée jusqu'à présent reflète le caractère essentiellement roman de ce complexe et met en évidence l'unité de sa structure romane, mais fait saisir en même temps des particularités zonales, selon la profondeur variable de la romanisation e't l'action plus ou moins puissante de la tradition géto-dace, (ce dernier facteur se traduit, en particulier, dans le domaine de la céramique façonnée à la main ­technique, formes et décor -, comme une renaissance des anciennes activités domestiques).
Le complexe dïpote~ti·Cinde~ti est caractérisé par un certain nombre d'éléments: 1) des établissements ouverts, non fortifiés, appartenant à une population sédentaire d'agriculteurs, d'éleveurs de bé ail et d'artisans; 2) des huttes à demi-enfouies, avec un foyer creusé dans la terre ou un foyer à rebord de pierre; 3) des moulins à bras de type romain (meta + catillus) ; 4) la ferronnerie était un métier assez répandu; 5) des scories et une loupe en fer ont été découvertes il Budureasa ; dans d'autres établissements ont été mis au jour des outils agricoles; 6) les fibules digitées, assez répandues, portent parfoi comme décor un motif cruciforme; tel l'exemplaire de Fai'casele, département d'Olt. D'autres objets de parure apparaissent aussi: boucles 'oreilles, pendentifs, bracelets, confectionnés en argent; certains sont dorés; 7) les vases tournés dérivent des prototypes romains et daco­romains des 1 ne et Iye siè .,les; 8) la céramique façonnée à la main est plus primitive, mais certaines de ses formes imitent la céramique tournée; 9) le rite funéraire est l'incinération, mais on voit apparaître aussi l'inhumation, Dans les sépultures à inhumation {tombes de Ceptura-Mizil, département de Buzâu. ou de la basilique de Sucidava-Celei et nécropole d'lnsula Banulni­Mehedinti), le rituel est sp' cifiquement chrétien, avec la tête à l'Ouest et des pieds à l'Est. Le biritualisme est un phénomène répandu, qui se rencontre ùans d'autres régions aux premiers iècles de la diffusion du christianisme. On trouve dans les tombes des objets de type byzantin. coml1e des boucles d'oreilles,' pendentifs granulés n forme d'étoile. Rappelons, de même le phylactère de la nécropole de Sârata- Monteoru. qui de toute évidence appartenait il un autochtone chrétien et non slave.
On rattache à présent à la culture dïpote~ti·Cînde~ti les fameuses fibules digitées, longtemps attribuées aux peuples migrateurs. Elles s'avèrent actuellement caractéristiques des régions dont l' thnicité est d'essence romane. En outre ce tains exemplaires comme la fibule de Fârca~el , département d'Olt, sont ornés de la croix, ce qui garantit la présence en ces Ii 'ux de Romans chrétiens. Postérieurs à l'époque de cette culture, sont connus quelqu s moules de croix (cf infra).

Retenons que la population de la el \ture dïpote~ti·Cînde~ti pratiquait l'agricuiture (voir les moulins à bras de type romain), l'élevage du bétail et la métallurgie. On signale pour les V le et VW siècles quelques centres métallurgiques locaux, par

exemple sur le territoire de la municipalité àe Bucar st (cf 'eodorescu, 972) pour n faire état que de ceux situés dans la régio de la capitale de Roumanie. On a trouvé là des creu ets. des moules, des burins, des matrices pour des boucles d'oreilles et de croix, des cuillèrs à verser le métal fondu, des modèles pour pre ser les feuilles de métal (<< Press-modelen »), etc. A Budureasa-Mizil, département de Buzâu, un autre centre métallurgique produisait de même des objets de tradition locale, mais aussi de type romano-byzantin.
Les établiss ments sont en généra! situés sur !es basses terrasses des fleuves. Ils attestent la présence d'une population stable et restée en relation avec l'Empire. Sur l'aire tout entière de la culture d'Ipote~ti-Cînde~ti, on a découvert des marchandises d'importation romano- byzantines (objets de parure ou amphores qui pouvaient être ensuite imités sur place), ainsi que des monnaies (cf la carte C. Vlc-VW siècles). Parmi les monnaies fréquentes, signalons celles en or à l'effigie de l'empereur Justinien (cf exemplaires des départements de Vî!cea et de Dîmbovita), qui avaient profondément pénétré dans l'aire de la Dacoromanie.
La culture (J'Ipote~ti-Cînde~ti représente en tout état de cause dans la vie des autochtones une période historique particulièrement importante. Son développement a duré longtemps et le processus d'assimilation des particularités et des éléments disparates s'est déroulé lentement, mais l'unité de structure était réalisée vers la fin du VIC siècle. Au cours de son évolution, les éléments étrangers ont été eux-aussi absorbés.
Le V le siècle correspond, po l' le romanisme carpato-danubien, à un retour a des relations plus actives avec l'Empire. Dans des conditions nouvelles qui marquent un grand changement par rapport au passé, l'État romain s'efforce à nouveau d'assurer sa domination sur la région du Bas-Danube et d'établir une zone de sécurité s'enfonçant le plus profondément possible dans le territoire au Nord du fleuve. On sait que Justinien entreprit plusieurs expéditions au Norè du Danube, releva certaines forteresses et en édifia entièrement d'autres. A cette époque remonte la reconstruction du camp de Drobeta e de Sucidava, entre autres.
Certains monuments chrétiens datant d cette période forment un horizon culturel et spirituel permettant à la romanité nord-danubienne de se développer et se fortifier sans cesse, non seulement en vertu de son dynamisme propre, mais aussi grâce à la protection de l'Empire romano­byzantin, et au fait que les migrateurs n'y ont séjourné que temporairement et dans certaines zones. A la discontinuité des migrateurs venait s'opposer l'unité ethnique des autochtones et leur vie de cultivateurs, d'éleveurs et d'artisans.

LES GEPIDES ET LES AVARS

Au V le siècle on constate en Transylvanie la présence également d'une cuiture germanique, celle des Gépides. L'analyse, par K. Horedt, des découvertes de More~ti sur le Mure~, approfondissant la connaissance des types d'habitat. de la technique, des formes décoratives de la céramique et des mod~\cs d'objets de parure, il permis cry reconnaître une composante romane et une composante germanique-gépid,: 'inctcs. En ce qui concrne la céramique, piir cl;emple, on il la g;\ldntie formelle de la persistance jusqu'au ViC '.ièck des vases à proVi~i"lfh (jcllles, do/fa) de 1radiuon

daco-romaine. \ l'intéricur du même l:l:lblissement certaines comrnunautés romanes S·dVl.'fCnl ;(voir ainsi coh ,t)lté, sur leur ''',cien domaine, avec des communautés Je pass:\gt:. celles-ci d'ethnicité germanique, en l'occurence gépide.
I.a domination des Gépides s'est maintenue jusqu'a ce qu'un autre peuple migrateur, celu: des Avars asiatiques, !es ayant vaincus, ait réussi à mettre en place les premiers jalons d'un « réseau» de domination à caractère politico- militaire, couvrant le territoire s'étendant du Sud-Ouest de l'actuelle U.R.S.S. à la Pannonie. Les Avars étaient aussi les maîtres de groupements de Gépides installés sur le territoire de la Roumanie. Quelques trouvailles archéologique. d'importance les font connaître. par exemple celle, du cimetière de Bratei. de No~J;K de rv!ore~ti et d'autres sites à 1'0 'est de la Roumanie (Cri~(ma) et au Sud Ouest (Banat). Le passage des Avars a laissé également certaines traces en Olténie. Mais il est certain que le centre de leur pouvoir se trouvait en Roumanie occidentale et dans la région entre Tisza et Danube, où ils furent vaincus en 796 par Charlemagne. Caractéristiques de la culture matérielle des Avars sont les pièces de !lama­chemen t et l'armement.
Dans une tombe de Sînpetru German, département d'Arad, ayant appartenu à un A var, a été trouvée une monnaie byzantine en Of du V 1 le siècle il l'effigie de l'empereur Héraclius et de son fils. C'est un témoignage supplémentaire des relations qu'entretenaient les Avars avec Byzance.

 

L’ADOPTION DU CHRISTIANISME
VII

LE CROIX ET LE LATIN
Au 'ébut du Ive siècle, la promulgation par Constantin le Grand de 'Edit de Milan créa des condition. propices à la libre diffusion de la nouvelle croyance dans tout l'Empire romain. La découverte de toute une série d'objets paléochrétiens du Ive siècle nous renseigne sur les Daco-Romains denv'urés au delà des frontièr s de l'Empire. Pamli ce objets dont la diffusio a dû suivre immédiatement l'an 313, sinon le précéder, ont été découvertes es • etites lampes chrétiennes du Ive siècle (/ucernae), telle celle d'Apullm (Alba Julia). A la même époq e remonte le ïèbre donarium de Biertan, département de Sibiu portant l'inscription latine Ego Zef/avius l'olUm posui, qui fait augurer la présence en ce lieu d'un édifice cultuel. !l n'est pas exclu non plus que certain tombes d'inhumation de Munténie aient appartenu à un population! c le chrétienne, étant donné notamment le hoix d'une orientation pour inhumer le mort, la tête vers l'Ouest, ies pieds vers l'Est.
Les (Jurees écrites démontrent d'ailleurs que certains missIOnnaires ont prêché le christianisme en latin et d'autres en gothique parmi la populat'on daco- romaine du Nord du Danube.

Précisément à ropos de ces régions de Munténie orientale, et en rapport avec le même aspect du problème, line source récente à peine exploitée livre d'autres informations au sujet des souffrances de Saint-Saba. Le document en q es ion est une lettre adressée de « Gothia» à l'église de Cappadocia, lors du transport du corps de Saint Saba, et relatant les circonstances dans lesquelles ce dernier fut noyé, le 12 avril 372,

dans les eaux du Buzau. Ce dOCUI enl nous indique quelles érroites relations x:staient entre ïEmpire et le Nord du Danube. Les missionnaires chrétiens du Nord du Danube pouvaient à tout moment franchir le neuve, et ils entretenaient des ,ontacts intimes avec ceux du Sud du Danube, tout particulièrement avec la Scythia Minor. Mais un autre fait, d'une importance non moindre, est digne de mention. Le neuve où fut noyé Saint S' ba porte le nom de Musaeus, dont dérive Buzâu. C'est là un précieux témoignage concernant la survie jusqu'à nos jours du nom ancien d'un cours d'eau important de la région. Nul doute que ce Oil la population locale qui a sauvegardé au Ive siècle ce nom dont héritèrent ensuite les peuples germaniques.
En conclusion, au Ive siècle, le christianisme pouvait s'affirmer, que ce soit àans l'ancienne province de Dacie ou sur le territoire des Daces libres divers ment romanisés où s'étaient établjs temporairement d'autres peuples, tels que les germaniques.
Incontestablement une recherche plus approfondie ne manquerait pas d' nrichir la documentation dont nous disposons dans ce domaine spirituel complexe.
Un autre fail digne d'attention, et qui a déjà été remarqué, est la liaison qui existe entre le nom de Justinien el. l'œuvre de réfection du limes danubien.
Les fouilles archéologiques conduites pendant plusieurs années à Sucidava ICelei) ont abouti à la découverte d'une basilique chrétienne. La présence de cet établissement cultuel démontre non seulement la généralisation en ce lieu de la religi n chrétienne, mais fait également augurer l'existence d'un œntre important pourvu de taule une hiérarchie. d'une organisation, et de liaisons avec les autres communautés de l'int.érieul" et du Sud.
Pour le V le siècle et pour le même territoire du Sud des Carpates, cette fois sur la rive gauche de la Borcea, à Luciu, département dïalomita, Vasile Pârvan a signalé dès 1913 la découvert d'une lampe ch étienne en bronze, portal t une croix sur le manche (illustr. nO 128).
l.a documentation archéologique est peut-être moindre pour la même étape chronologique, en ce qui concerne ia religion de la population de la Munténie intérieure et ce!le de Transylvanie. Nous songeons à certains moules de croix découverts dans d s établissements de la population autochtone de Munténie, que certains chercheurs ont daté du VIc siècle. Il faut retenir que les moules en question e trouvaient dans des huttes et que ces huttes étaient à même d'abriter une population sédentaire nombreuse.
Un moule semblable a été trouvé dans un établissement situé sur le territoire de la ville de Bucarest, rue Soldat Ghivan nO 2. Un autre fut découvert dans un établissement de Bucarest-Strâule~ti faisant partie du complexe culturel Ciurel-lpote§ti··Cînde~ti. Un autre encore apparaît à nouveau dans l'établissement de Cînde~ti. dans le cadre de la même culture. Ajoutons enfin un dernier moule, découvert à Olteni, au centre de la Munténie.
L'existenc de ces moule' vient suggérer non seulement certains besoins d'ordre spirituel, mais aussi l'installation en ces lieux d'ateliers propres à les fabriquer. Sur la rive du Danube en Dobroudja, à Pîrjoaia, ont été trouvées de nombreuses croix, qu'on a datées toujours du VIC siècle: ieur présence à cet endroit semble indiquer qu'elles étaient destinées à l'exportation de l'autre côté du Danube.

Les documents sont nombreux, répandus sur tout le territoire du Sud des Carpates, e l'Olténie jusqu'à l'Est de la Munténie, aussi bien en région de collines que de plaines et sur les rives du Danube.
Pour la Transylvanie, on signale une amphore byzantine, datant probablement du VIC siècle, récemment découverte à Tîrgu Sâcuiesc (Transylvanie orientale). Sur la partie supérieure de la panse, vers le col, est peinte une croix, avec l'Alpha et l'Omega en lettres grecques. Il s'agit de toute évidence d'une importation chrétienne, issue d'un milieu chrétien byzantin et destiné à une communauté chrétienne. Reppelons que de tels récipients apparaissent en nombre appréciable à Sucidava. !l n'est nullement exclu que ces derniers soient issus de ce centre de transition, s'ils ne proviennent pas, par le col d'Oituz, d'un centre du Nord de la Dobroudja. On peut encore faire mention d'une petite amphore sur laquelle est tracé au pinceau le motif de la croix. De Tibiscum dans le Banat provient un vase paléochrétien que C. Daicoviciu date du VIC siècle.
Ainsi, à la lumière d s informations actuelles, il apparaît, tant pour le Ive sièc è que pour le VIe, que la po uiation autochtone romanisèe et proto­roumaine continuait de dé elopper sa vie spirituelie sou_ forme chrétienne, sur tout le territoire de la Roumanie. La documentation mentionnée plus haut ne lassera pas d'étayer les données fournie par la linguistique, et d'en amélio er la compréhen ion. Nous songeons ici à des termes ô'origine latine exprimant des notions fondamentale liées à la croyance qui subsistent dans la langue roumaine.

 

LES PROTO-ROUMAINS ET LES ANCIEINS SLAVES
VIII

Au cours de ia dernière étape de son développement. le complexe culturel dïpote~ti-CÎnde'ti-Boto~al1a·Bratei entre en contact avec les Anciens Slave, qui vers la fin du V le siècle 0, t pénétré sur le territoire de la Roumanie. Les peuples relevant de ce complexe, unitaire du point de vue culturel et de caractère roman, étaient plus nombreux que les nouveaux venus: ils avaient une civilisation supérieure à la leur et, fait d'une importance no moi ld e, ils participaient d'une unité linguistique romane dont la structure interne était en voie de cristallisation. Les Anciens Slaves n'ont pas réus i à détruire cette unité linguistique qui recouvrait intégralement l'unité culturelle d'lpotqti-Cinde~ti, laquelle avait toujours --- n us l'avons montré dans le chapitre précédent _. une substance romane dans toute son aire de diffusion carpato-danubio-pontique. Ni Je vocabulaire fondamental, ni la syntaxe, ni la m rphologie n'ont pu être anéantis par la langue des nouwaux venus, les Anciens 'laves, qui allaient cohabiter au long de plusieurs siécl s avec le autochtones proto-roumains. Pour toutes les catégories essentielles d'activités - agriculture, horticulture, viticulture, meunerie, apiculture, élevage -, pour les liens de famille (père, fils), pour la désignation des grands fleuve (tel le Danube), il existe des terme latins, malgré l'inOuence slave ancienne. Le phonétisme slave a quelque peu modifié certaines dénomination t des mots d'origine slave ont pénétré et se sont maintenus dans le va abulaire, dans une proportion d'environ 16 % ; mais 80 % d vocabulaire sont des mots d'origine latine de

diffusion courante (voir la théorie de B.P. Ha~deu sur la fréquence d'emploi de c rtains mots qui donne ù une langue sa spéci icité).

EVOLUTION DE LA LANGUE ET DE LA CIVILISATION
La documentation archéologique que nous avons présentée dans tous les chapitres précédents -- avec pour point de départ le substrat thrace multi­millénaire el unitaire -- reflète en fait la continuité ininterrompue de la culture matérielle et spirituelle de la popul' tion autochtone et la durable persista ce de certaines formes de civilisation thraco-géto-d ces, puis daco-romalnes, enfin romanes jusqu'à l'arrivée des Slaves. La couche dominante avare, dont le centre e trouvait dans l'actuelie Hongrie, a Cf(~é, par le démembrement du r'seau germanique -- déjà commencé en réalité par les Huns ----, des conditions favorables à la population autochtone de la Dacoromanie carpato-da 1Ubienne, et a même réactivité les relations que celle-c' entretenait avec la romanité sud-d2nubienne.
Parallèlement au développement de la cu ture matérielle (voir la documentation archéologique que nous présentons) se déroule également l'évolution de la langue parlée par les Daca-Romains de la région carpato­danubienne, c'est-à-dire la Dacoromanie tcHe que nous l'avons conçue dans le présent ouvrage. La formation d la langue roumaine, dans laquelle se sont aussi maintenus environ 100 mots de substrat thraco-géto-daœ (tout comme ont persisté dans la civilisation et dans la spiritualité des Roumains des héritages du même subst rat), s'est faite dans des circonstances hi'toriques toutes particulières, bien diftërentes des conditions d'élaboration des autres langues romanes occidentales: français, italien, espagnol, portugais. De là découle aussi son caractère archaïque: et l'absence des dialectes peut s'expliquer précisément par l'unité el la continuité de la culture sur l'aire géographique qui correspond à l'actuelle Roumanie, L'unité et l'harmonie du facteur géographique ont contribué non seulement à la conservati n et au développement de l'unité de civili arion, mais aussi à la formation et au maintien de l'unité de la langue roumaine.

01 sail que l'élément si' ve ne joue pas le rôle fondamental dans le processus de l'ethnogenèse du peuple roumain et de la formation de sa langue, quoiqu'il ait exercé dans ces deux domaines une certaine inOuence. Les résultats des recherches linguistiques, historiques et arch' ologiques ne concordent pas oujours dans la détermination de l'ethnicité d'une population ou d'un peuple, Dans le cas qui nous intéresse, la linguistique a prouvé que lors de l'arrivée des Anciens Slaves la population autochtone possédait une langue en pleine voie de cristallisation, Les Slaves n'ont plus pu la détruire, mais ils l'ont augmentée de nombreux mots et lui ont donné une nouvelle teinte spécifique, Les sources écrites n'allaient plus parler que de façon très vague et sporadique de la population autochtone de la région carrato-danubienne. Et malgré tout, cette population continuait de mener son existence basée sur l'agriculture, l'élevage et l'artisanat. Grâce au dynamisme des migrations des peuples, germaniques d'abord, puis asiatiques, toutes passagères et en plein mouvement, la population autochtone a eu la possibilité d'entrer en contact avec de nouvelles civilisations; mais elle a exercé de son côté sur les migrateurs une influence qui a facilité leur intégration dans la civilisation européenne, et leur assimilation tant désirée de l'héritage de l'antiquité. Ce phénomène s'est d'ailleurs réalisé dans le

processus de formation des états barbares sur les ruines de l'Empire.
Dans la culture matérielle des Carpates et de la region danubienne, les Anciens Slaves ont laissé plus fortement leur trace, et ils se sont manifestés de façon plus rapide et plus positive que dans le domaine ling'ujstique. Mais la venue des Slaves a eu lieu à un moment où était déjà achevée la formation des Proto-Roumains. La culture d'Ipol.e~ti-Cînde~ti et la persistance de la structure de la langue romane après la pénétration des Slaves démontrent qu'on avait justement abouti à la fin du VIe siècle et au début du siècle suivant à ce qui a constitué le noyau même de l'ethnicité et de la spiritualité du peuple roumain: sa romanité Avec ou sans la contribution des Anciens Slaves ---- en tant que substrats -- le processus de l'ethnogenèse ïOumaine ne pouvait que continuer dans la voie sur laquelle il était engagé, Peut-être cette voie eût-elle été seulement plus brève sans l'existence des Slaves, et les formations politiques roumaines fussent-elles apparues plus tôt.
Quoi qu'il en soit, l'historiographie roumaine actuelle met en valeur de façon scientifique l'apport des Slaves.
Les recherches archéologiques effectuées depuis trente ans en Roumanie orientale ont mis en évidence la présence précoce des Anciens Slaves dans cette région, comme c'était d'ailleurs naturel. Rappelons ici les découvertes de ~ipot-Suceava, Cucorani-Buto~ani, Hlincea I-Jassy, Dorobantu, etc. Dans ces établissements, les éléments slaves se trouvent en nombre. mais ils s'associent aux éléments locaux. Nulle part sur le territoire de la Roumanie on ne saurait trouver d'établissement ni de nécropole slave où les matériaux archéologiques ne révèlent une inOuence de la population locale. Même dans la grande nécropole de Sarata-I\r1ontcoru, qui ne comporte que des tombes à incinération (pas moins de 1586, découvertes par Ion Nestor et Eugenia Zaharia) et que nous sommes enclins à attribuer toujours aux Slaves Anciens, se rencontrent des bien culturels caractéristiques du complexe dïpote~ti-Cînde~ti, tels que ceux déjà mentionnés: par exemple la céramique faite au tour rapide, décorée de traits ondulés. de cannelures, de motifs côtelés et de bandes étroites de striures. Là aussi ont été découverts des éléments chrétiens qui ne peuvent avoir appartenu qu'aux autochtones. Les premiers groupes de Slaves qui ont pénétré dans la région Est de la Roumanie ont apporté avec eux une culture matérielle plus primitive que celle des autochtones. En Moldavie nul établissement purement slave n'a été découvert à ce jour. Cela signifie que dès l'instant où ils ont été mis au contact des autochtones, \cs SI'I\'cs Anciens sont entrés dans cet important processus de contaminations qui a lait peu à peu aboutir à leur assimilation. La population locale poursuit son propre développement culturel après l'arrivée des Slaves, tout comme a langue continue son évolution propre. Dans la zone de la municipalité de Bucarest (à Ciurelu) - d'où provient la premiérc documentation archéologi<..juc concernant le complexe dïpote~ti­CÎnde~ti - ont été discernés les premiers éléments cie culture matérielle slave.

Les Slaves se sont avancés el l'Ouest de l'Olt. Et cependant on n'a pas davantage découvert en Olténie d'établissements dont les éléments présen­tent un caractère purement slave. Dans la province comprise entre l'Olt, le Danube et les Carpates, les Slaves de la fin du VIC siècle et des siècles suivants entrèrent encore dans le même processus de cohabitation. Jusque dans des milieux c n idér's comme slaves (tels les

tombeaux de Balla­Verde, département de Mehedintj), il existe une comrosante byzantine.
V rs la fin du V le siècle la présence des Slaves Anciens est attestée par un matériel archéologique dans le Sud-Est de la Transylvanie, de tout temps zone de liaison permanente entre les deux versants des Carpates et lieu de passage ou de halte momentanée à l'époque des migrations. Les fouilles entreprises entre 1960 et 1970 par Z. Székély de Sf. Gheohe ont mis au jour des matériaux slaves à Cernat et Poian, département de Cova~na. C'est à la même pérÎode que ressortissent aussi les découvertes de Porumbenil Mici, département de Harghita et celles de Bratei, département de Sibiu, de Doroitu-Cluj (nécropoles), d'Ocna-Mure~ etc. Les tombes tumulaires de Nu~falau-Sâlaj et de Someçeni-Cluj ont été attribuées toujours aux Slaves, mais elles sont d'une date plus avancée et comportent des éléments de facture avare. JI faut retenir que, rT)algré la présence en Transylvanie de nombreux élément de culture matérielle slave intéressant l'archéologie, cette densité d'habitat, en termes démographiques, ne se trouve pa. confir­mée par la linguistique, bien qu'il existe en toponymie des dénominations slaves.

DEVELOPPEMENT ET PERMANENCE DES AUTOCHTONES
On sait qu'en 602 la frontière de l'Empire byzantin sur le Danube fut percée, préluàe à des déferlements de Slaves, par groupes de plus en plus nombreux, au Sud du neuve d'où, en passant par la fomanité bal kano­danubienne, ils allaient arriver jusqu'en Grèce et à l'Adriatique.
Cette circonstance a constitué pour la population du Nord du Danube un facteur propice à son développement: la masse slave reùt sinon étouffée. L'unité des Balkans fut rompue; toutefois le substrat thrace et roman demeurait comme un pont de liaison avec le monde du ord du Danube et c mme une force de renaissance quand aux xe-Xie siècles l'Empire byzantin s'ét'ndit a nouveau jusqu'au Danube. La circulation de part et d'autre du fleuve se trouvait à présent facilitée. Le noyau proto-roumain de la zone danubienl c se fortifiait.

Aux V lit - V 1 ne siècles, on constate dans la culture matérielle de la région carpato-danubienne que s'intemitie le rythme d'assimilation des laves et que s'accentue le développement d'une culture matérielle et spirituelle sauvegardant toujours son es ence romane, en !'occurence proto- roumaine. Les form s des vases en terre cuite sont de plus en plus variées. Leur décor consiste en motifs ondulés et striés. Les vases faits à la main ont une ornementation d'alvéoles et d'incisions. Pour les Vll.c_VIlie siècles, les découvertes de Bezid, Sà!a~uri. Filia~, E isel i-Harghita, etc. sont significa­tives. Il est in éres'ant àe noter que des produits d'importation byzantine aussi bien que des fabrications émanant des ateliers locaux appartiennent à l'horizon historique de ces de x siècies. La céramique tournée conserve la tradition ron1' ille et daco-romain. En Moldavie également l'évolution de la culture locale et proto-roumano-slave se laisse suivre grâce aux découvertes archéologiques du Vile au !Xe siècle. La diffusion des monnaies (Carte C) illustre aussi les liens avec le Sud byzantin. Dan ies établissements de Loma, Fundu Heqii. départemen't de Ba o~ani. Dolhe~ti- Vaslui. la composante slave est attestée à n veau du r W au 1 xe siècle. A Poiana, Dulce~ti. département de Neamt, à Salt~te, les recherches de Gh. Bichir ont permis de reconnaître un horizon datant LI VIOC siècle (première et seconde moitiés}. En

Olténie des découvertes fortuites et des recherches dans les établissements et les nécropole apportent une informalion sur le VliIe siècle. La plus importante est la nécropole d'ObÎr~ia- Noua, datée « provisoirement» du VlllC siècle el du premier quart du siècle suivant par le chercheur O. Toropu qui y a dirigé des fouilles. La nécropole dïzforu­Ilfov. siluée dans le territoire naguère nommé Vla~ca -- terme slave signifiant « le pays des Roumaill~ 1'--- fournit un élément de comparaison.
ALIX V ne - V! ne siècles la région carpato- danubienne el balkanique connaît un état permanent d'instabil~lé. D'un côté les Avars. de l'autre les Siaves­libres ou s umis par les premiers - : puis ver les dernières dec nnies du r W Siècle entrent en scène les Proto' Bulgares: sous le commandement de leur chef mi itaire A paru"h ou \sperich ils son vainqueurs des Byzantins et s'ét3bli~ .. cnt ,u Nord-Est de l'actuelle ulgarie. avec comme centre Pliska et Preslav. lis s'installent parmi les Slaves qui dès 602 étaient passés en masse au Sud du Danube. Au moment ou arrive t les Proto- Bulgares est aussi en place la population romane que les S laves fi 'avaient pas réussi à assimiler ni même à disloquer en noyaux compacts: il faudra pour ce faire attendre les Proto- ulgares du « premier tz.arat» (ou kaghanat). Mais outre les nOUVC;1UX venus et les Slaves présents depuis longtemps dans la région balkano-danubienne, il y a la nombreuse population autochtone restée sur le- lieux. Ses survivances se peuvent encore déceler aujourd'hui dans la civilisation, l'art et le fOlklore des Bulgares, qui ont été assimilés par les Slav s, ceux-ci leur donnant la langue slave et les Bulgares gardant le nom du peuple qui se formait de composantes hétérogènes.
1 a domin,.tion des Pr )[0- Bulgares au Nord du Danube est un problème non encore ré olu. On connaît au demeurant sur le terr'toire de la Roumanie des matéri' ux ressortissant à la culture proto- bulgare, qui auront pu être véhiculés soit par les Pro!o-Bulg res. soit par les Slaves, soit par le Proto­Roul11aim ; algré les circonstances d'instabilité et d'ins'curite - qui conou iscn [ " la diSSImulaI ion de trésors (tel celui de Priseaca. département d'Olt. de la seconde moitié du vne siècle), la population autochtone demeure toujours sur les lieux habité par ses ancêtres.

LA NECROPOLE D’IZVORU
Les rechercbes entreprises RU cours des dernières années sont venues enrichir les données déjà existantes, en apportant une documentation essentielle concernant le vIne siècle et les prob crne- de culture de cette époque. Il convient à ce propos de signaler le rôle tout particulier qui revient à 1 nécropole d'inhumation et d'incinération d'Izvoru, prés de Giurgiu. Découverte dernièrement. elle offre la possibilité de connaître la cuiture du Ville siè .Ie tant matérielle que spirituelle. 432 tombes ont été mises au jour jusqu'en 1973, pour la plupart des tombes d'inhumation où le squelette eSI en position orien ée, le crâne v~rs l'Ouest et le1' pieds vers l'Est. Dans les tombes d'incinération, moins nombreuses, les ossemems fortement calcinés et brisés étaient déposés dans une fos e simple.

Dans les tombes d'inhumation ont été trouvres diffërentes offrandes, auxquelles il convient d'ajouter les objets de parure corporelle. Rappelons en premier lieu, parmi les offrandes, certains outils, dont !es faucilles, trouvées dans trois ombes d'inhumation, semblent être les plus significatives, Ces outils désignent sans doute possible l'occupation principale des habitants, l'agriculture; le fait st confirmé par la

déco verte dans certaines tombes de céréales carb nisées, déposées soit dans un pot d'argile, soit autour du crâne du mort.
Parmi les offrandes ont également été trouvés en abondance des ossements d'animaux, provenant d'oiseaux de basse-cour, de gros bétail ou d'ovins. Dans les mêmes tombes est remarquable ia présence de nombreux œufs d'oiseaux.
Rappelons encore que les tombes contenaient en outre d'autres objets: tout d'abord un vase en terre cuite, en général déposé à l'extrémité de la plante des pieds; ensuite le cout dU en fer, muni de sa gaine en bois, placé sous 1 paume d" la main droite ou gnuche. Il se rencontre tant dans les tombes d'homme~ que dans cel!es des femmes et des enfants,
Comme objets de parure corporelle, nous citerons: boucles d'oreilles, bagues. colliers en perles d'une pâte vitreuse colorée. On peut y adjoindre, pour cert ines t. mbes, le tube en 0 pour aiguille en fer, et la boucle en fer ou bronze. L'étude détaillée des boucles d'oreilles, des bagues. des faucilles et d'une applique en bronze nous permet. compte tenu de la forme et de l'ornem_ntation de ces parures, de dater le cimetière tout entier du Ville siècle principalement; mais l'étude de la forme de boucles en fer et bronze autori c a faire remont r jusqu'au vue siècle les débuts de ia nécropole. De même l'étape finale dépasse I.e V Ille si' cle et l'ranch il le sel! i 1 du 1 Xc.
De l'analyse approfondie des parures et en premier lieu du métal dont elles sont faites ressortent quelques conclusions d'ordre social. La plus grande richesse du mobilier de cena'nes tombes, comportant quelques dizaines de bijoux en argent, d'autres en bronze en plus grand nombre, et la découverte dans trois tombes de bracelets --- au demeurant en bronze - permettent d'entrevoir une differenciation sociale, dans le cadre de ia formation socio­économique d'lzvoru.
La même nécropole invite en outre à tirer certaines conclusions d'ordre plus genéral concernant le peuple roumain de ces temps reculés.
En premier lieu le nombre considérable des tombes - non moins de 432 connues à la date de 1973, rappelons le ---- indique l'importance de la population. On voit aussi que cette population était sédentaire, organisee, el cornrncnçait ù opérer une différenciation d'ordre sorio-économique. Les données recueillies font connaître comme activités primordiales, nous j'avons dit, l'agriculture et l'élevage du bétail.
La nécropole d'lzvoru, il faut le préciser, n'est pas unique. Pareilles nécropoles ont été encore mises au jour au cours des derniéres années en Roumanie, notamment dans la région située entre les Carpates et le Danube. Il n'est que de mentionner les deux nécropoles similaires de Fra!e~ti, département d'Ufov et celle d'ObÎrsia Noua en Olténie, aux.quelles on peut encore adjoindre celle de Sultana en Munténie. Cette documentation aïchéologique prouve l'existence au Sud de la Roumanie .. entre lalorniia et Jiu, d'une population qui ne pouvait être que stable, celle des autochtones. Etant donné l'orientation des squelettes el le caractère chrétien de certains objets dont ceux découverts à Obîrsia Noua, il est possible d'affirmer sans risque d'erreur que cette population était chrétienne. Avec, il est vrai, des découvertes pour l'instant moins nombreuses, l'archéologie constate la même culture matérielle pour le territoire de la Moldavie (fouilles de ! Mitrea) et pour celui de la Transylvanie (fouines Z. Székély).

SIGNIFICATION HISTORIQUE DE L'HORIZON DU VIIIe SIECLE

La méthode démographi 'ue appliquée à la recherche archéologique par nos sp'

cia!istes a révélé un assez grand nombre de sites et de né ropoles en Olténie -- en dehors des trouvailles fortuites --, 20 sites environ y sont connus pour le V me siècle (Balta Verde, Farcasul de Sus, Verbita, Obîrsia 'oua etc.) et 24 pour le siècle suivant. Les découvertes archéologiques font en trevoir une population stable et nombreuse, dont la culture matérielle et l"économie se trouvaient à un haut degré de civilisation. Cette population roumaine et chrétienne conservait les traditions romaines et daco-romaines et elle possédait ses ustensiles agricoles et ses ateliers propres. Ses liens économiques avec les régions du Sud du Danube n'étaient pas rompus.
En ce qui concerne les nécropoles, la plus importante et la mieux connue jusq u 'à prl:sent grâce aux foui Iles systématiques en treprises par O. T oropu, est celle d'Obirsia Noua. Jusqu'à l'an dernier ont été trouvées 105 tomb s, dont 95 à inhumation et 10 à incinération. Les objets recueillis apportent une information concrète sur la présence d'une population chrétienne et autochtone.
Le complexe culturel dïzvoru-Obîrsia 'oua s'étendait aux autres provinces historiques de la Roumanie. La structure de cet horizon culturel est nettement d'ethnicité roumaine, en dépit de la composante slave en pleine voie d'assimilation par les autochtones.

 

AUX VIIIe-IXe SIECLES
IX

UNE « NAPPE » HETEROGENE ET UN PEUPLE UNITAIRE

Dans l'archéologie de la Roumanie et des pays voisins, ce qu'on appelle la culture balkano-danubienne, ou culture de Dridu, se caractérise par une céramique fine brun-noir ou grise aux lignes brillantes, des vases en argile blanche ou peints en rouge et des amphores, plus un groupe de céramique primitive à pâte sableuse décorée de motifs ondés ou de stries et un groupe de céramique émaillée. On adopte en général pour cette culture la datation des VIlle_Xie siècles. On parle également d'une étape antérieure qui pourrait commencer vers la fin du V Ile siècle et le début du VI (JC. Son aire de diffusion correspond au Sud des Carpates et atteint les Balkans. Jusqu'à présent les documents la concernant apparaissent dans quelques localités du Sud et du Sud-Est de la Transylvanie (Blandiana, Sebe~, Poian, Co~eni - où K. Horedt poursuivit de recherches en 1973), et il convient d'y mentionner les nécropoles de Sebe~, Ocna Sibiului entre autres découvertes ressortissant ~l la même période. Celte culture est répandue en Roumanie orientale. Son attribut'on ethnique prête encore à discussion, d'autant plus que la documentation qui s'y réfère demeure sporadique dans l'ancienne province ro 1aine de Dacie au Nord des Carpates. Il est probable que les tenants de cette culture n'étaient pas des ressortissants d'un seul peuple, une culture pouvant en englober plusieurs. L'étude n'en a pas encore été suffisamment approfondie pour qu'il soit possible d'y distinguer des nuances locales ou des particularismes propres à de plus vastes espace. C'est au xe_XIe siècles qu'on la rencontre sous sa forme pleinement cristallisée - « classique », pourrait-on dire. L'horizon représenté par la grande nécropole d'Izvoru­Ilfov (cf. chapitre VIII) et par celle d'Obîrsia Noua en Olténie (qui comporte d'assez nombreux éléments chrétiens

ne pouvant apparten ir qu'aux autochtones) jette sans nul doute une lumière nouvelle sur la genèse et l'appartenance ethnique de la culture dite de Dridu. Mais ce problème requiert encore des études poussées dont auront à se charger les archéolo­gues roumains et bulgares. Les seconds ne manqueront sans doute pas de trouver dans l'horizon d'Izvoru-Obîrsia certaines réponses aux questions liées à la structure quelque peu hétérogène et à la proportion différente des composantes d'une telle culture. Celle-ci a pris naissance sur un fonds commun ethna-culturel d'essen 'e romane et thraco-géto-daco-romaine. Les découvertes faites en Transylvanie - encore que peu nombreuses à ce jour - viennent alimenter la documentation sur ce fonds commun. Il faut assurément y ajouter i'éiém nt slave, qui était cornmun, recouvrant comme üne nappe toute la région carpato-danubio- balkanique et pontique (cf. chapitre suivant), et qui semble à première vue avoir noyé, en ce qui concerne !- culture matérielle, la base de la romanité orient'le tout entière, I.e tr i<;ième facteur est hYlantin et son poids est considérable. On ne saurait évidemment non plus négliger le facteur oriental qui emprunte tout d'abord la filière bulgare, pour agir ensuite par la survivance dans la culture de cette région de certains legs, dus à d'autres pe'lples migrateurs, as'atiqucs et germaniques; on sait que ceux-ci se sont maint nu assez durablement dans le territoire du Ba -Danube et en Dobroudja, par groupes isolés, et qu'ils auraient joué un rôle important dans le processu d'apparition de la céramique dite de Dridu ou celle du type Saltovo-Maiatk de Crimée et de la Mer d'Azov. C rtains chercheurs, tels que P. Diaconu, accordent un rôle actif au facteur gothique qui a longtemps persisté. 1I est enfin licite de pren­dre en considération l'apport de la civilisation grecque, et pa seulement dans le sens byzantin ou romano-byzantin. Lorsqu'on pourra connaître avec quelque certitude le degré de participation de chacun de ces facteurs al! processus de la genèse de la culture en question, de même que les consé­quences dans la création de certaines particularités régionales qu'ils détermi­nent principalement, on verra alors plus clairement se détacher les aspects découlant du phénomène de la polarisation ethnique sous la nappe de popula ion.
Quant à la dénomination de cette culture, nous sommes disposés à accepter celle qu'a propo ée tout récemment le jeune chercheur roumain O. Toropu, de cu ture I( carpato-balkanique ), au lieu des anciens noms de culture « Dridu)} ou Balkano-danubienne i). Nous trouverions cependant plus a pro riée celle de « carpato-danubio-balkan'que H. le Danube constituant l'axe de son aire de diffusion, el représentant un facteur d'union déterminanL du point de vue culturel, historique et ethnique, car ia région pontique s'y trouve aussi indissolublement liée, comme l'attestent les découvertes archéologiques de Histria- Village, Satu NOl!, Castelu, Gîrlita, etc.

Dans la zone nord-danubienne et carpatique, toUl. comme en Dobroudja, ce sont les éléments et traditions romains et proto- roumains qui prédominent, tandis que les éléments slaves - au demeurant présents .- y existent en moindre proportion. Au Sud du Danube, dans l'actuelle Bulgarie, où les Slaves ont pénétré massivement après l'an 602, cette proport.ion est immense, les Slaves ayant réussi à s'organiser ici en groupements plus compacts et à assimiler du point de vlIe linguistique, culturel et biologique, les Prolo··Bulgares turcs. Au Nord du Danube. les autochtones n'ont pas conservé longtemps des établissements fortifiés - bien que le terme sal (fossaturn) rende compte de leur existence depuis l'an 271 et atteste de la manière que nous

avons dite plus haut la continuité linguistique dans la langue roumaine, qui confirme elle-même la continuité ethnique.
Les habitations atTectent un plan rectangulaire ou bien ce sont des huttes auxquelles ne font défaut ni âtres ni fours. Dans les rituels s'observent les survivances géto- daces, daco- romaines et provinciales- romaines (c'est -à­dire relevant des colons, des militaires, et des fonctionnaires romains). Des traditions siaves sont également perceptibles dans le rituel. Les importations byzantines, puis la domination de Byzance reprise aux xe_XIe siècles sur Je Danube et bien sùr sur une certaine zone longeant la rive gauche, ont réactivé le fonds romain et alimenté la renaissance des traditions anciennes. Les occupations, agriculture, élevage et métiers d'artisanat, se développent au cours des V Ille - Xe siècles. Il suffit de signaler ici les trouvailles faites à Bîrlogu. département d'Arge:i, où l'on a découvert un village et mis au jour plus de 450 habitations. l. Nania y a trouvé un dépôt d'objets à proximité d'un atelier, ainsi qu'une charrue en fer et une brique portant des runes proto-bulgares, de même qu'à SIon, fouillé par Maria Comsa.
Il est intéressant de noter la persistance, dans l'horizon culturel carpato­danubio-pontique qui s'est développé à partir de l'unité d'Ipote§ti-Cînde§ti, de matériaux archéologiques chrétiens. Cette persistance démontre que la population était, au VIne siècle comme aux époques ultérieures, chrétienne, sédentaire et roumaine. Rappelons ici que les Bulgares peu après le milieu du lXe siècle ont adopté le christianisme, imposé par le tsar Boris (864-865). De fait, dans certaines nécropoles datées du VIlle siècle, telle par exemple celle d'Obîrsia Noua, les objets chrétiens découverts en quantité notable ne peuvent avoir appartenu qu'aux autochtones roumains.
Ainsi donc le grand complexe culturel carpato- histro-pontique et balkanique - à la périphérie duquel se rattache, au Nord-Est, l'aire de Saltovo-Maiatk - dissimule sous son unité plusieurs ethnies différente et qui prédominent chacune dans des centres différents même i elles s'interpénètrent: Roumains, Bulgares, Slaves.
Pour les spécialistes archéologues, un fait demeure certain, c'e t qu'une culture matérielle ne se superpose pas toujours à une unité ethnique. Le complexe dont nous parlons nous offre à cet égard un exemple des plus éloquents. Sur l'étendue de la Dacoromanie, cette culture appartient aux Roumains, qui, lors de l'étape culturelle d'Ipote§ti-Cînde§ti, en étaient à la phase dite proto-roumaine. L'assimilation des Slaves commence dès la fin du V le siècle et le début du siècle suivant. La dynamique de ce processus sur le territoire de la Dacoromanie _.-- à laquelle nous devons rattacher tout ce qui a participé de la vaste unité géto-dace et dacoromaine - s'est déroulée en milieu de vie rural, dans une économie villageoise. Ce milieu a toujours revêtu un caractère plus conservateur, plus apte à garder les traditions, plus attaché à la terre des ancêtres. Les Maîtres de la terre, notamment ceux des établissements modestes des villages de la période umultueuse des migrations, ont su assurer la continuité, la genèse, la spiritualité et la civili­sation du peuple roumain.

LE PEUPLE ROUMAIN EST FORME
Les dernier migrateurs des régions e"tracarpatiques n'ont plus pu ébranler l'unité ethnique et culturel.le des autochtones, et ont même échoué à s'y établir.

Au Nord du Danube, à l'intérieur de l'aire culturelle carpato-histro­pontique, existaient

aussi au Xc siècle certains établissements consolidés, commandés par des chefs locaux - dont font mention les sources écrites ­qui se rendirent auprès de l'Empereur Jean Tzemiskès, aprés la capitulation de Sviatoslav en 971 (selon P. Diaconu). Pour ce qui est des Petchénègues, loin de détruire la structure de la culture dont il a été question plus haut, ils ne l'ont même pas supplantée. La population roumaine s'était déjà cristal­lisée et formait dorénavant un bloc compact.
Certes, des éléments petchénègues ont bien survécu dans la civilisation et l'organisation des autochtones, de même que plus tard ils ont été transmis par les Coumans et les Tatars. Les vagues successi es des migrateurs ont été impuissantes à arrêter l'évolution de l'ancienne civilisation roumaine. Les données archéologiques ne laissent subsister aucun doute à cet égard. L'unité s'est conservée non seulement dans la culture matérielle connue par les fouilles archéologiques, mais aussi dans la langue roumaine, dépourvue de dialectes.

 

ASSIMILATIONS El' SURVIVANCES
X

« NAPPES » DE POPULATION ET NOYAUX DE POLARISATION
N. Iorga tenait l'existence d'un substrat unique dans la région carpato­histro-pontique -- qu'il étendait, lui, au reste du territoire sud-danubien ­pour un fait capital qui aurait assuré « la parfaite unité séculaire d'une vie populaire sans État» des Roumains aux YlIe-VIlle siècles et aux siècles suivants, jusqu'à l'apparition des formations politiques pré-étatiques.
Ce substrat n'a jamais cessé de se développer et il a gardé sa pleine vitalité n ême durant la période des migrati ns. Son unité culturelle fut sauvegardée mais, conséquence du phénomène de polarisation en différent~ centres, des secteurs revêtant des aspects variés se créèrent à l'intérieur même àe l'unité de cette culture matérielle des autochtones, - comme ce fut le cas dans l'horizon des Ive - ye siècles ou dans celle des VIe - VIle --. De là, également découle, dans le domaine de la culture matérielle des autochtones, - de même que jadis dans la civilisation geta-dace et même au cours des millénaires antérieurs (cf. les chapitres conce"rnés) - cette réalité historique dont la documen ation archéo!ogiq Je est l'illustration concrète et éloquente: l'unité dans la diversité. Les peuples migrateurs, apportant dans leurs bagages leurs éléments de civilisation propres, ont accentué ces particularismes, sans toutefois briser l'unité de structure. Durant l'époque de développement et de diffusion de la culture de Sîntana ùe Mure~-Cerniakov, les Goths avaient commencé, d'une manière bien dangereuse, à noyer le fonds unitaire local par une. sorte de sédentarisation qui semblait se prolonger.
Grâce aux Huns qui s'étaient heurtés aux peuples germaniques et avaient ancanti leur encerclement, la civilisation des autochtones' pu retrouver la vie 1 ibre du passé même dans les régions où leurs biens de civilisation et leurs forces biologiques avaient ét~ absorbées dans le contenu de la culture Cerniakov-Sînt na de Mure~.

Il se produisit une resurrection de l'unité séculaire et populaire: ce phénomène peut sembler étrange, mais l'ar héologie vient aujourd'hui démontrer le contraire sur toute

l'étendue du territoire ancien. Pendant la dominati n nominale des Huns. mai' en mêmè temps à cause de leurs liens assez étroits avec l'Empire et de l'adoption Ll mode de vie romain par les chefs des Huns commandés par Attila, on voit se rétablir l'entité ethnocul· turel te de naguere, géto- dace et daco- romaine -- alors sous l'aspect de l'horizon culturel des 1 c_ ye siècles_ La pénétrati n des Huns offrait aus i un côté positi i précisément con titué par la création de certaine onditions plus propices au r tour aux anciennes formes de vie économiques. sociale~ et spirituelles. La pression exercée par. les Huns venus de l'Est a provoqué non seulement le déplacement rapide des Goths. qui (kvaicnt bientôt aban­donner aussi la Tran yi anie - dans le premier quart du ye siècle --, mais elle a en queique sorte facilité !a co tinuation du phénomène de mélange des anciens Daces libres (en l'occurence les Daco-Carpes) avec la population romanisée. Une fois établis en Pannanie, en entreprenant des raids d'intimidation et de pillage. les Huns ont à ,ouveau favorisé le regroupe­ml:nt. l'union ùes anciens Dace'> libres de l'Ouest de l'ancienne Dacie romaine avec les populations romanisée. de l'intérieur. Sur le pian ethnique et archéologique, l'unité se consolide. Le refoulement des Gépides d'abord, puis des Avars, a contribué également fi la destruction de la nappe qui recouvrait et é entuellement étouffait les autocHtones. Les matériaux arché togiqu"'s ressortissant aux migrateurs sont différents de ceux des autochtones, « indigènes des temps anciens. enracinés et menflnl une vie de travailleurs de la terre .. de pâtres et d'éleveurs de bétail» CI Andrie~escu),
Les Slaves ont eux-aussi recouvert la population autochtone de la région carpato- histro-pontique, c'est-à-dire le territoire de la Dacoromanie, ainsi qu'une nappe dont la densité différait d'une région à l'autre. La Dacoromanie constituait au moment de l'arrivée des Anciens Slave" line entité ethnique et culturelle sur laquelle. pOlir les Vle·YII" siècles, le complexe d'lpote~ti- jnde~ti-Boto~ana etc. fournit une documentation archéologique. Dans ces régions les laves ont trouvé '::11 place des organisa­tions affectant la forme d romanies populaires. Il s'agissait en réalité d'unions de communautés villageoises, dont la tradition géto-dace et daco-romaine avait perduré sous la nappe formée par la couche dominante militaire des migrateurs. Entre ces derniers et les communautés villageoises sont apparus les représentants de ces communautés auprès des migrateurs, donl le rôle consistait à assurer le tribut versé sous diverses formes par les communautés en question. Ces trois éléments: la couche dominante, la communauté et ses représentants, s'encadrent dans le système où le modèle de production dit tributaire. Nous sommes renseignés sur celui·ci (grâce à Miron Constantinescu) pour 1.<1 période des premières formations pré­étatiques roumaines attestées par les sources écrites: mais déjà l'organisme fonctionnait --- quoique peut-être sous une forme plus simple-- depuis le déclenchement des migrations. Quoi qu'il en soit, le passage de tant de peuplades sur le territoire actuel de la Roumanie - et de la Dacoromanie de iadis -- gamntit de façon directe la présence, la permanence et même la :onlinuité de notre peuple, ainsi que l'a afTirmé tout récemment Miron Constan t inescu.
Les Slaves ont trouvé une population parlant une langue latine romane. Ils ont donné aux autochtones le nom de Vlahi (Viachus-i) qu'ils avaient pris des Germains. A l'arrivée des Anciens Slaves, les autochtones formaient ces V/ahii villageoises. pourvues d'une organisation propre.

Aux yeux de Nicolas Iorga. les Vlahii correspondaient aux anciennes Romanii, centres de polarisation thraco-romaine, géto-romaine, daco­romaine, ct enfin roumaine. Il s'agit d'unités ethniques liées à des unités géographiques et pouvant être attachées à la vallée d'un cours d'eau, à une zone de forêts plus cohérente. Les Slaves connaissaient eux-aussi de telles concentrations ethniques. C'est encore N. Iorga qui a perçu la ressemblance entre le « Schef il des Slaves et les Romanii et Vlahii des Roumains ou les « Coumanii» postérieurs. Malgré tout, de telles organisations n'existaient pas partout où se trouvaient les autochtones ou les migrateurs, mais seule­ment au point où avait eu iieu ce phénomène de polarisation, de concentra­tion. L'archéologie et la démographie ont à tenir compte de l'emplacement sur les cartes des habitats, des nécropoles et des tombes, ou des trésors des migrateurs, ainsi que des hydronymes et toponymes.
Dans la zone de Te!eorman, au nom révélateur, a pu se maintenir quelque temps une population touranienne concentrée là. De même à l'Ouest de la région qu'elle occupait se trouvait le « noyau» po!arisant du « Pays des Vlahii» (Vlasia) des Roumains. Dans d'autres contrées encore existaient des centres de polarisation des Slaves qui en fait, dès le début, subissaient des contaminations, étant l'objet d'une assimilation par les Roumains. Aussi est-il peut-être licite de rattacher le trésor de Sinnicolau-Mare, àépartement de Timi~ (Banat) datant probablement du IXe siècle, à la période où s'effectuait, dans la zone de polarisation slave ou slavo-bulgare du Banat, l'assimilation des Slaves.
Il semble donc que la théorie conçue par l'historien rouma in P. P. Panaitescu au sujet des « nappes de population» puisse trouver confimlation à la lumière des données archéologiques foumies par les recherches des 30 dernières années sur la période des migrations. Panaitescu ne pensait qu'à la '{ nappe» slave, et à la roumaine, à laquelle s'est également référé recemrnent le jeune historien roumain A. Armbruster (1972) qui songeait il la culture « Dridu ».
Pour nous, nous constatons, à partir des matériaux archéologiques que de telles ({ nappes), de population ont existé pendant toute la période des migrations, sur de territoires plus ou moins vastes, qu'elles se sont souvent interpénétrées et que ces « nappes}) des migrations, jusqu'aux Slaves, ont été plus légères, plus passagères, le vent de l'histoire les ayant éparpillées et mélangées, tels les chardons du Bâragan dont parle Panait Istrati.
L'existence des Romanii, des Vlahii et de certains centres de polarisation des migrateurs -- au nombre desquels certains, les Slaves principalement mais non pas exclusivement, ont pu persister plus longtemps .- nous fait relier la théorie des {, nappes}) de population à celle des noyaux de polarisation, c'est-à-dire des concentrations plus accentuées de la population à ethnies différentes. Par ailleurs les linguistes qui se sont penchés sur le problème de la formation de la langue roumaine - dont Gamillscheg el Reichenkron -- ont signalé de tels « Kerngebiete » linguistiques. AL Philipide lui·même constate dans les Monts Apuseni des « traces de romanité » chez les Roumains, qui les font apparaître en cette région comme « beaucoup plus anciens» que les peuples étrangers qui ont pénétré en Transylvanie.

Nul doute que la « nappe» salve du Sud du Danube, plus dense, ait pu étouffer et assimiler -- aux V 1 ne- xe siècles - les Proto- Bulgares et les Méso-gélo-romans.

Néanmoins, en Grèce, la « nappe» des Slaves fut si mince que leur assimilation fut rapide. Au Nord du Danube - en Dacoromanie -- cette « nappe)> slave fut assez résistante, avec certains centres où la composante slave était plus dense, et elle put se maintenir plus longtemps - mais seulement en ces lieux. L'archéologie nous prouve qu'aux VIe. V lIe siècles les Proto-Roumains l'avaient emporté dans leur confrontation linguistique et culturelle avec les Anciens Slaves. Le processus qui s'est déroulé de l'arrivée des Slaves au vine siècle sur le territoire de la Dacoromanie a trouvé son c~ronnement avec l'assimilation des Slaves et la conclusion de l'ultime étape de l'ethnogenèse du peuple roumain. Ce phénomène concerne l'ensemble du territoire roumain. La permanence culturelle et ethnique remontant au substrat thrace apparaît maintenant en pleine clarté, à la lumière de la documentation archéologique récente qui accompagne ce volume. Même si l'on peut encore parler de Slaves et de Slavo-Roumains, et non pas seulement de Roumains, dans les sources byzantines, magyares et russes, cela ne peut au demeurant infimler la réalité de la pleine formation du peuple roumain et de sa langue au Vme siècle comme continuation de l'étape représen tée aux V le - VIle siècles par les Proto- Roumains.

 

CONCLUSION
Pour support archéologique de cette histoire de la Dacoromanie, nous avons utilisé de préférence les résultats des fouilles effectuées par les archéologues roumains: non pas exclusivement ceux des centres universitaires et académiques, mais aussi bien les chercheurs qui déploient leur activité dans les nombreux musées départementaux créés sur tout le territoire roumain, ceux-ci sont de véritables foyers de recherche archéologico- historique.
Les progrès remarquables accomplis par notre recherche ont permis de mettre en lumière l'importance du substrat thrace - par lequel débute notre exposé -. Il a véritablement joué un rôle fondamental dans la persistance, l'unité et la continuité des synthèses ethno-culturelles: il est la base sur laquelle elles se sont successivement développées, jusqu'à ce qu'aient été achevées l'cthnogenèse du peuple roumain et la formation de sa langue.
Dans le cadre géographique et historique de la Dacoromanie seule, ce substrat a gardé toute sa vigueur et a exercé son action ininterrompue, tel un ferment actif dont les bienfaits se sont fait ressentir pleinement sur l'ensemble de la région carpato-danubio-pontique. Dans les autres régions sud-danubiennes où il existait (notamment en Bulgarie), le substrat thrace ne s'est manifesté que sous la forme de l'héritage thrace, car il a été ébranlé par la pénétration massive des Slaves après l'an 602, puis par celle des Proto- Bulgares. Néanmoins des survivances de ce substrat sont encore sensibles aujourd'hui dans cette région sud-danubienne.

Mais c'est en Dacoromanie qu'a pris naissance sur le fonds thrace une synthèse ethnique et culturelle unitaire, d'une parfaite continuité de développement comme le montrent les matériaux archéologiques dont on peut trouver ici la reproduction ou du moins la mention fréquente. Aujourd'hui viennent s'ajouter, grâce aux dernières découvertes faites à Ocnila en 1973 (illustr. nO 48), les premières insCïiptions des Daces en langue thraco-dace! C'est pourquoi nous avons voulu présenter aux lecteurs

de la collection « Archaeologia Mundi » ces découvertes fraîches et d'un caractére assez sensationnel, en même temps que le masque en bronze dont !a reproduction en couverture invite le lecteur à ouvrir notre livre.
Les données archéologiques ont permis une VISIon nette de l'unité de civili. ation matérielle et spirituelle des Géto- Daces, depuis les versants Nord des Balkans jusqu'aux Carpates du Nord, avec une large extension vers l'Est et l'Ouest. Les Géto-Mésiens constituaient avec les Gètes des régions extra­carpatiques de la Roumanie un tout ethnique el culturel.
Le développement de la civilisation géto-daœ se produisait selon un rythme differendé, plus vif dans le domaine histro-pontique et quelque peu lent dans le régions des provinces intracarpatiques de la Roumanie. L.'unité de culture matérielle et spirituelle aussi bien que l'unité linguistique se sont cependant conservées de manière permanente. L 'unité thrace a donné vie a l'unité géto-dace.
La fY.'nètration des Romains dans !" Balkans, puis l'extension de leur contrôle jusqu'au Danube, sous Auguste, représentent un événement nouveau dont es répercussions e sont fait sentir non seulement dans le domaine politique, militaire et linguistique, mais aus. i dans celui de la civilisation ma criel le. L'unité ethna-culturelle géto-dace se trouvait alors lésée el affaiblie par l'arrachement et l'intégration dans les frontiéres de ïEtat romain de la zone géto- mésique.
Nous avons montré de quelle manière créat~iœ la civilisation des Géto­Daces a intégré dans son contenu des éléments de civilisation aussi bien grecs que celtiques ou romains L'interprétation que nous avons présentée des données archéologiques permet de dire que i'assimilation de nombreux dbTH:nb de la civilisation grecque. el les liens économiques étroits avec la Grèce (pénétration de diverses importations, circulation de la monnaie hellénique et hellénistique chez ! s Géto-Daces), ont favorisé la romunisdti· n en raison dç l'inOucnce profonde que la même civilisation grecque a exercée dans la SUu turc intime de ia civilisation romaine. L 'héritage celtique, sensible surtout en Roumanie Occidental, a eu de toute évilknœ lui allssi un rôle à jOller dan: le dcroulement du processu:>, puisqu'il avait déjù c n.li!u· pour les R mains un apport bénéfique et enrichissant.

Cela dit, la romanisation des Géto-Daces ne se produisait pas au sein d'un monde participant du Barharicum. La Dacoromanie s'appuyait, d'une part sur le substrat thrace multi-rnillénaire et sur 'unite géto-dace, de "autre sur une i ilisation dont c rtaines composantes entraient aussi dans la civilisation romaine. Les découycrtes archéologiques effectuées en Roumanie au cours des 25-30 dernières ann' e ont, par ailleurs. montré que l'influence romaine et la pénétration de la monnaie et des importations romaines au , ord du Danube étaient bien plus profond s el plus anciennes qu'on ne croyait, puisqu'elles ont précédé de plus d'un siècle et demi la conquête de la Dacie par l'cmpereur Trajan, A Ocniia dans le Norà- Est de l''ülténie - où précisé ent existent de riches saiines. exploitées tant par les Daces que par les Romains - les découvertes ont prouvé que dès le règne d'Auguste les Géto-Daces connaissaient l'alphabt~t latin et l'utilisaient même pour écrire dans leur langue thraco·dace (illustr. nO 80). et qu'à i'époque de Décébale (cf. les tampîlles de Sarmizégétuza) ils pouvaient écrire et comprendre le latin. La mO'lllaie de Rome républicaine avait été prise par les Daces en guise de modèle pour rempbcer la

monnaie des unions de tribus antérieures au 1 rf ~iécle ' vant notre ère. De plus les découvertes archéologiques récentes de la région ud et Est de" Carpates en Dac romanie montrent le contrôle déjà exercé par les Romains et la zone profonde qu'lis avaient à couvrir au Nord du Danube.
1 a n u eauk de c t ouvrage par rapport au volume « Roumani » paru en 1972 se rapporte au processus de la romanisation dans tous les domaines de la vie, Ù 'ion ancienneté, à sa permanence même après 271, Ù, son extension (qui excède largemen la province romaine de Dacie), et au rôle essentiel joué par la région du Bas-Danube - ce fl uve représentant la zone de cOIltact permanent et vivant de la population de Dacoromanie avec la roma­nité orientale sud-danubienne, On est loin d'une romanité I( scythiqllc )} 1
ln autre fa't nouveau lié ù l'élargisscmclll de notre conception de la Dacoromanie, est le rôle attribué ::lUX Daces libres: rôle qu'ils ont effective­ment Joué. et qui décida à ertains égards de la continuité thraco-géto-daco-romaine dar s le cadre de l'ancienne unité, ainsi que du rétablissement de l'unité ethno-cuiturelie carpato-danubienne et pontiquc après 27!. Les Daces libre eux-aussi sont entrés dans 'e processu~ de la romanisation, 'une manière plus différenciée, révolution ne se faisant pas aussi profondéml~nt dans tOlites les régions habitée" par les Gèto-Daces. Le fait que l'unité çulture!le locale s'est rétablie à plusieurs reprises {aux Ive - Ve, aux 'Ile - V Ile, au V me), q la langue roumaine ne comporte pas de dialecte et q e la conscience de la rama itè tout comme 1cs traditions le pius eculées ont vécu el persisté jusqu'à nos jours d' 11S la spiritualité du peuple roumain, constitue la preuve d'une continuité ethno-culturelle ininterromp le. Gr:ke,' la comparaison des matériaux archéologiques --- très nombreux depui' quelques années - provenanl de l'ancienne province de Dacie avec ceux des tt:rritoires des Daces non conquis par Rome, t grâce à l'étude appr ,fondie du maléri~! dace postérieur il l'an 106 de notr ère trouvé soit en milieu rural, soit en milieu militaire romain (non seulement dans les c{lill/bal! mais même dans les costra romains), le problème de la continuité, de la romanisation el de l'unité se trouve définitivement résolu.

L'archéologie paléo-chrétienne (comme il ressort du chapitre VI! et des illustra ions) s'est "onsiàérablement enri hie au cours des dernières décennies par les découvertes faites dans la Dacoromal1ie toute entière et non pas seulcn ent dans l'ancienne pr vince. La nouv Be foi est devenue pour les Daco-Romains et les Proto-Roumains un facteur de civilisation qui au Moyen Age s'affirmera nettement chez d'autres peuples encore. II convient de signaler le caractère populaire et la forme latine que le christianisme a revêtus chez les Daco-Romains. Ii a contribué à enrichir le vocabulaire fondamental avec de termes de caractère romano-latin BreC c'est un rôle historique que le chri tianisme a détenu à l'époque de la formation et de la cristallisa ion définitive du peuple roumain, il a assumé la mission de fortifier la romanité des autochtones, grâce ù eur union dans des or ).l11is<ltions à eux, qui ~tablissait ainsi une distinction entre eux el les migratcurs_ De même qu'en Occident e dans A'autres contrées de ['Empire romain, le c: ristianisme semble s'être répandu chez les Daco-Romains J'abord en milieu urbain, puis en rnilieu rural. Rappelons à ce propos la basilique chrétienne du Ive siècle de notre ère découverte à Drobata par i 1. Davidescu, la pius ancienne qu'on connaisse à ce,jour sur le 01 de la Dacoromanie,

Au vne siècle. m(:me des fibules ayant appartenu aux Proto­Roumains étaient décorées du symbole de la croix, telle celle de Farcasele, département d'Olt.
Le phénomène d'un exode des anciennes villes - définitivement disparues au ve siècle - vers les villages, se reflète non seulement dans la diffusion du christianisme et dans certaines dénominations chrétiennes à caractère urbain (ainsi « basilique), église en roumain). mais aussi dans les titres des habitants des villages et dans l'utili ation d'autres termes venus des villes par exemple le latin fJol'imem el donné en roumain (lûmin{. terre).
En dépit des troubles provoqués ,Jar les migrations répétées, les autochtones restent -- comme l'avai déj~! Jit N. Iorga - le Maitres de la terre de Dacoromanie, attachés à cette terre et ne pouvant être exterminés parce qu'ils étaient nécessaires aux migrateurs.
Estimant juste et fondée la théorie des « nappe,,» de population, nous l'avom reprise en l'étendant à d'autres peuples que les Slaves. car dans les découvertes archéologiques, ces Il nappes» qui viennent recouvrir les populations autochtones, se retrouvent toujours, plu~ ou moins fréquentes, plus ou moins étendues et pius ou moins homogènes du point de vue ethnique. Le point fixe et durable, c'est le fonds autochtone, Ce n'est qu'au temps des Slaves qu'une telle « nappe» plus vaste s'étend des Carpates jusqu'cn Grèce. En Dacoromanie elle fut anéantie et il y eut assimilation des Slaves. '-omme aux époques antérieures ou après les VIW-IXc iècles. des communaùtés ethniques non romanes sont demeurées cà et là et elles ont parfoi perduré après la formation du peuple roumain, En liaison avec ce fait. attesté aussi par les trouvailles archéologiques, nous avons formulé la théorie des « noyaux» c'est·ù-dire des commun<lutés persi 'tantes dont les sources écrites des iXc-xc siècles feront mention aux côtès des Roumains déja onstitués depuis fort longtemps.
L'existence de-communauté chez les Géto-Daces et les Daco-Romains ne saurait être niée, Du groupement de ces formations sont nefS les romaniae et \'Iahiae (va!achies) dont nous avons parlé plus haut. Et la confédération des union, de communautés à partir d'une unité géographique a donné l'organisation appdée dès le début dans les sources « Terra» (Tara :::: Pays) : le Pays du Hateg, le Pays de Fagara~, le Pays de Birsa .. le Pays de Litovoi (Litv ), le Pays de Maramure~ (oil la domination romaine ne s'est pas et ndue, m'is où les Daces libre' ont été. eux romanisés ~ ).
Une (orH:lusÎ\)I1 Sç dégage <je notre ouvrage, appuyée sur la Jocumcntation archéologique: dans le cadre de la Dacoromanie. le peuple roumain s'est forme sur les mêmes territoires qu'it habite encore aujourd'hui: depuis des temps immémoriaux il a existé en ces lieux line continuité sans césure et une unité parfaite, que la colonne vertebrale des Camates a toujours maintenues et C0thO! idcèS.

 

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LISTE DES ILLUSTRATIONS

1 Vase-askos de Branet, dép. d'Olt. Civilisation de COJofeni. Mu ée d'Histoire de la Roumanie.
2 Vase en terre cuite à une anse, décoré par incision et incrustation blanche. Découvert dans l'établissement situé sur le Lac de Tei. Civilisation thrace de Tei. Musée d'Histoire de la Roumanie.
3 Vase en t rre cuite dont le décor est incisé, et incrusté. Découvert dans t'établissement situé sur le lac de Tei (Bucarest). Civilisation de Tei. Mus'c d'Histoire de la Roumanie.
4 Vas découvert à Zimnicea, à lèvre oblique et à une anse. Groupe cul­turel de Zimnicea, à caractère thrace; étape avancée et en relation avec le monde thrace méridional. Musée d'Histo're de la Roumanie.
5 Idole féminine en ter e cuite, à robe cn cloche richement décorée. Elle porte une large ceinture et des bijoux autour du cou et sur la poitrine, Découverte dans la métropole de Cîrna-Dolj. Culture thrace de Gîrla Mare. Musée d'Histoire de la Roumanie.
6 Vase à deux anses appartenant à la culture de Pecica. Musée d'Histoire de la Roumanie.
7 Même figurinê, vue de dos··
8 Vase à deux anses et de styie « baroque », appartenant à la culture thrace de Pecica (Banat) Musée d'Histoire de la Roumanie.
9 Vase à deux anses surélevées, appartenant à la culture thrace de Verbi­cioara, phase tardive; le symbole du solei! est repiOduit sur la panse, Musée d'Histoire de la Roumanie.
10 Vase er terre cuite de forme cylindrique, décoré de boutons pointus et de petits creux parallèles. Civilisation thrace de type Otomani de l'Ouest de la Roumanie, du Nord- Est de la Hongrie et de la Slovaquie. Musée d'Histoire de la Roumanie.
Il Vase en forme d'amphore, à haut col cylindrique; proéminence poin­tues sur la panse. Civ'lisatiol1 du type Otomani. Musée d'Histoire de la R umanie.
! 2 Vase en terre cuite à deux anses surélevées, appartenant à la civilisation thrace de Costi~a. Musée d'Histoire de la Roumanie.
13-14 Un vase à deux anses urélevé.s, avec protomes d'animaux.
15 Vase appartenant à la culture de Costi~a répandue en Moldavie du Nord. Musée d'Histoire de la Roumanie.
i 6 Vase-amphore décoré de spirales. Civili ation thrace d'Olorr.ani.
Musée d'Histoire de la Roumanie.

17 Vae à d !lX an~cs 'ureievées et J0coré de mo{ir~ gcunlc'triqucs '>f10ci­fiques de la tradition thrace (Liaisons prohables avec le Sud de ia Thrace t avec la Macédoine). Découvert à Zimniœa. Musée d'Histoire de la Roumanie.
18 Char miniature à quatre roue, dé ouvert il Tiream, dép. de Satu-Mare (fouilles de Ghidjo~an). Culture thrace ,k Wietenberg-Sighi~iara.
Musée d'Histoire de la Roumanie.
19 Parures en or, d l'cpoque du Bronze thrace. ~mig (Transylvani,,) Musée d'Histoire de la Roumanie.
20 Objets ell or faisant par ie d'un trésor découvert dans un vase il Ostro­'lui Mare, dép. de Mehedin\i. Culture de Girla Mare. Mu ée d'Histoire de la Roumanie.
2 i Bracelet en or découvert en Transylvan·e. Fin de l'époque du Bronze. Musée d'Histoire de la Roumanie.
22 « Diadéme» en or datant de la première époque du Fer. GaJe~u, dép. de Constan\a. Musée d'Histoire de la Roumanie.
23 Objets en or. ~mig (Transylvanie). Musée d'Histoire de la Roumanie. 24 Trésor en or. Fin de l'époque du Bronze. Turnu-M:lgurelc. Musée d' Histoire de la Rouman ie.
25 Casque en or, dt Poiana·Co!ofenqti, dép. de Prahova; couvre-joue droit et couvre-nuque. Art thraco-gète d'influence persane. Première moitié du ive siècle avant n tre ère. Musée ci'Histoire ci la Roumanie,
26 Bracelets en or, aux extrémités en spirale. Epoque finale du Bronze thrac-. Saco~ul Mare (Transylvanie). Musée d'Histoire de la Roumanie.
27 Fibule en forme de lunettes et deux pièces de harnachement. Première époque du Fer. Dép. el'Alba. rvlusée d'Alba Julia.
28 Protège-bras thrace, trouvé dans un dépôt. Epoque du Bronze. ighiu, dép. d'Alba. Musée d'Alba-luli<1.
29 Hache à douille du grand dépôt de Drajna de Jo'. ,.iu ée d'Histoire de la Roumanie.
JO Faucille en Bronze du m':me dépôt.
J 1 ~ ache thrace de combat (bronze) décorée de motifs géometnques, ayant le talon en forme de champjonon. Découverte dan le dépôt d'Apa (Transyl anic). Musée d'Histoire de la Roumanie.
32 Epir.gle ù cheveux en bronze ù plaque hornbique décorée, découverte à Medgidia. Civilisation de Noua, de !a période de transition entre l'qmljuc Ju Brullze et la première époque du Fer. Musée d' listoirc de la Roumanie.
33 Va~c en terre cuite ù une anse, av c un bouton vertical et un di:cor (Je handt:s étroites et hachurées. Civili~ation de Noua. Musée d'l--lisloirc de la Roumanie.
34 Voir 31
35 Grand vas. décoré de bandes hachurées et de triangles, avec boutons verticaux. Civilisation de Suciu de Sus, répandue (~galcmcnt dans le ord·Est de la Hongrie. Fin de l'époque du Bronze thrace el transition vas la première époque du Fer (Halbtatt). Musée d'Hi, taire de ia Roumanie.
6 Urne ,l panse ronde et :' coi cylindrique. Sou le col décor en relief en l'orme Je moust, ches. D0cou cflc il Poiana, dép. de Gal,qi. Civilisation du . lord de la Th,acc de la p!ernièrc épcxlue du fer. Musee d'Histoire d la Roumani ,

37 p. flie supérieure du sabre-emblême de Mcdgidia. Art thraco,gète. Style

animalier. ye siécle <lV. ],.('. Musée d'Histoire de la Roumanie.
38 Plaque de harnacheme Jt en argent iu « trésor)} de Craiova; les bandes de couleur claire sont revêtues d'une feuille très mince d'or. IYc siècle av. J.-C Mu ée d'Histoire de la Roumanie.
39 Plaque de harnachement en forme de lion, décoree de bandes trans­versales remplies de hachures ou de petits cercles. Iye siécle av. J.-C Art thraco-gète. « Trésor)} de .raiova. Musée d'Histoire de la Roumanie.
40 Plaque en argent ù quatre coins tCTmin(?s par des têtes d'animaux. La plaque tout entière (de même que ics autres nombreuses pièces simi­laires du prétendu « Trésor), de Craiova, y compris celles il trois coins) suggèr un mouvement de tourbillon Iye siécl avant J.-C Craiova. Musée d'Histoire de la Roumanie.
41 Applique en argent de la tombe gèle de Gùvani, dép. cie Braila. (Iye siècle av. J.·C) Musée de Braila.
42 Perles en or aya. t la forme de petites amphores, telles ceiles d'Agighiol. Première moitié du Ive siècle av. J.-c. Zimniœa. Musée d'Histoire de la Roumanie.
43 Applique zoomorphe en or du trésor de Bi1iceni, dép. de Jassy.
Iye siècle av. J,-c. Musée d'Histoire de ]a Roumanie.
44 Bracelet 'n or ayant aux extrémités des têtes de cerf. Fait partie du trésor de Bàiccni, dep. de Jass . IVc siècle av, J.-c. Musée cI'Histoire de la Roumanic.
45 Appliquc frontale de harnachemcnt (griffon) en argent. Première moitié du [\l'e siècle av. J.-c. Agighiol, dép. de Tul ea. Musée d'Histoire de la Roumanie.
46 Bijoux he!li~nis(iques en or. Histria. Musée d'Histoire de la Roumanie.
47 Collier en or, avec des perles en forme de petites amphores et bagues. Epoque hellénistique. Mangaiia. Musée d'Histoire de la Roumanie.
48 Masque dace en bronze datant de l'époque d'Auguste. Trouve el 1973 dans une chambre souterraine de la citadelle n" 1. Ocni\3 (Ocneie M:.lfi). tJ'.p Je Yilcca, Musée de Rlmnicu Vilcc;\.
49 Casque en bronze de la tombe gète de Gavani. dép. de braila. 1 fC siècle a . J.-C Musee de Bràila.
50 Coup dace peinte. avec pied. fin du !er siècle av. J.-C Ocniia. citadelle nO l. Musée de Rimnicu Vîlcca.
SI Petite lamre paysanne hellénistique. Musée d'OltenÎ\;l
52 Brace[et en argent ù figure humaine (continuité avec !a periode thraco­gète). CoacIa Malului, dép, d'lifov. Musée d'Histoire de la Roumanie,
53 Vase en or. ~mig (Transylvanie). Musée d'Histoire de la Roumanie.
54 Phalère avec représ\~ntation d'une figure humaine. Herastrau-BucaresL Musée d'Histoire de la Roumanie.
55 Parure dace en or. Media~, dép. de Sibiu. Musee d'Histoire de ia Roumanie.
56 Casque en bronze, Trouvé dans une tombe gétique. lcr siècle av. J.-c. Reproduit avec la permission cI'AI. Yulpe. Musée el'Histoire de la Roumanie.
57 Bracelet à protubérances. Citadelle dace de Piatra Craivii (Alba IuEa). Musée d'Alba Iulia.
58 Vase dace en fer doré. Citadelle dace de Bîtca Doamnei (Piatra Neamt). Musée de Piatra Neam;.

59 Bracelet dace en argent, à protomes de serpents. Coada Malului, dép. d'Ilfov.

Musée d'Histoire de la Ro manie.
60 Pointes de fléches en fer. Citadeile daee de Piatra Craivii (Alba Iulia). Musée d'Alba ulia.
61 Eperons en fer. Citadelle dace de Piatra Craivii (Alba Iulia). Musée d'Alba Iulia.
62 Collier tressé en fil d'argent. Art thrace. Coada Maluiui, d :p. d'Ufov. Musée d'Histoire de la Roumanie.
63 Sabre en fer de Dobolii-de- os, liép. de Covasna. La poignée présente des antennes à bec d'oiseau de proie (65), et la garde porte la r pré­sentation de deux animaux décorés de band s transversales et hachurées, dans l'esprit de l'art thraco-gète. ve siècle av. J.-c. Musée d'Histoire de la Roumanie.
64 Candélabre hellénistique d'importation. Oppidum dace. Crasani, dép. d'lalomita. Musée d'Histoire de la Roumanie.
65 Voir nO 63
66 Bague en b 'onze à protubérances (petits boutons; pièces de harnache­ment). Découverte dans la tombe gète d'un guerrier du IVe siècle av. J. -c. Gavani, dép. de Braila. Musée de Bn'iila.
67 Fibule dace à écu rhombique décoré de cercles, de tradition thraco-gète.· Découverte à Media~ (Transylvanie). Musée d'Histoire de la Roumanie.
68-69 Têtradrachme en argent découvert en Roumanie. Ile siècle av. J.-c.
Macedonia Prima. Musée National àes Antiquités, lnsti ut d'Archéologie de Bucarest.
70-72 Monnaies daces en argent. Imitations d'après les tétradrachmes de Philippe Il de Macédoine. N° 70: découvertes en Moldavie; N° 71-72 : découvertes au Sud du Danube.
73-74 Tétradrachme en argent découvert en Roumanie. Thasos. Musée des Antiquités, Institut d'Archéologie de Bucarest.
75-77 Voir 70-72. N° 75 : découverte en Moldavie; N° 76- 77 : découvertes au Sud du Danube.
78 Vase à une anse, découvert en milieu celtique, attestant l'inf1uence des autochtones dar s. Musée d'Histoire de la Roumanie.
79 Vase à une anse, façonné à la main. IV· siècle av. J.-C Stince~ti, dép. de Boto§ani (citadelle gète). Musée d'Histoire de la Roumanie.
80 Fragment sur lequel on a écrit, en !etLes majusc les de l'alphabet latin, l'anthr ponyme REB. lN iècle av. J.-C. Oeni'a, dép. de Vîlcea. Musée d'Histoire de la Roumanie.
81-82 Deux fragments céramiques C!'Ocnita, dép. de Vîkea, avec écriture grecque. Ior siècle av.J.··C. Musée de Rîmnicu- Vîlcea.
83 1''abufa eerata de Dacie. Musée d'histoire e la Roumanie.
84 Sarcophage romain. Romula. Musée d'Histoire de la Roumanie.
85 Terra Sigilata romaine. fo,'1usée d'Histoire de la Roumanie.
86 Vase, petite lampe paysanne specifique de l'art dace, faite à la main. Ocnita, dép, de Vîlcea. Musée de Rîmnicu- Vîlcea.
87 Brique portant l'estampille (inversée) de la XIIIe Légion Gemina. Musée d'Histoire de la Roumanie.

88 Petite lampe paysanne romaine. Musée d'Histoire de la Roumanie. 89 Applique

dace avec cavalier. Ciurcea, dép. de Covasna. Musée d'Histoire de la Roumanie.
90 Fibule dace en argent, à nodosités. lN siècle de notre ère. Media~, dép. de Bra~ov. Musée de la Roumanie.
91 Phalère de Ciurcea, dép. de Covasna. Continuité avec la période thraco-gète. 1er siècle av. 3.-C. Musée d'Histoire de la Roumanie.
92·93 Vases romains en argent. Début du Ile siècle de notre ère. (Avec l'accord de Ion Mitrea et V. Mihaî!escu-Birliba). Muncelu-de-Sus, dép. de Jassy. Musée d'Archéologie de Piatra Neami.
94 Sculpture romaine. Apuium. Musée d'Alba Iulia.
95 Buste féminin d'Apulum. lIe-rue siècles de notre ère. Musée d'Alba 1 ulîa.
96 Statuette de la déesse Osiris, décollverte dans le Banat. Epoque romaine. Musée de Timi~oara.
97 Poids romain en plomb. Tamis. Musée d'Histoire: de la Roumanie.
98 Dionysos. lIe_nIe siècles de notre ère. Banat. Musée de Timi§oara.
99 Médaillon funéraire romain, He siècle de notre ère. Art provincial romain. Aiud. Musée d'Histoire de la Roumanie.
100 Stèle funéraire à éléments locaux. Alburnus Maior. Musée d'Histoire.
10 1 Stèle funéraire de Tiberius Claudius Maximus représentant la mort de Décéba!c. lIe siècle de notre ère. Grammeni (PhUippi), Grèce, Musée de Cavala.
102 Colonne funéraire portant mention d'un autochtone nommé Mucapor, fils de Muc.atra. me sièck de notre ère. Apulum. Musée d'Histoire de la Roumanie.
103 Médaillon funéraire romain de Transylvanie. Elements locaux, me siècle de notre ère. Musée d'Histoire de la Roumanie.
104 Rhyton romain en terre cuite des ne_HIe siècles de notre ère. Musée d'Histoire de la Roumanie.
lOS Moule romain de terra sigillata. Musée d'Histoire de la Roumanie.
106 VoirnoiOl
107 Le Cavalier thrace. ne_me siècles de notre ère. Tirighina-Barbosi (Galaii), Musée de Galai!.
J 08 Stèle funéraire de Casei (Transylvanie). Art local. me siècle de notre ère. Musée d'Histoire de la Roumanie.
109 Urne daco-romaine. Soporu de Cîmpie, dép. de Sibiu-Transylvanie. Musée d'Histoire de la Roumanie.
110 Monument mithriaque à trois registres de Romula. me siècle de notre ère. Musée d'Histoire de la Roumanie.

Trésor en or (<< C!osca cu Pui »). Fin du Ive-début du ve siècle. Pietroasele, dep. de Buzâu. Musée d'Histoire àe la Roumanie.
Statuette en bronze de Sucidava, représentant le dieu Lare. !le·me -j'des de notre ère. Musée d'Histoire de la Roumanie.
Voir J 1 1 - 1 12
Collier en or du trésor II d'Apahida, dép. de C!uj. Musée d'Histoire de la Roumanie.
Bijoux en or et boucle de ceinture du type « Trésor d'Apahida ». ve siècle de notre ère. Somc~cni, dép. de Cluj. Musée d'Histoire de la Roumanie

Trés r de Bâliiciia, dép. de Mehedinti. Ille siècle de notre ère. Musee de Drobeta-

Turnu Severin
Cruche en argent doré du trésor de Tauteni, dép. de Bihor. ye siècle de notre ère. Musée d'Oradea.
Cruche du trésor de Tauteni-Bihor. ye siècle de notre ère. Musée d'Oradea.
Fibule digitée du groupe des antiquités des Avars. Musée d'Histoire de la Roumanie.
Fibule digitée. VlIe siècle. Breheni, dép. d'Olt. Musée de Slatina. Pièce du grand trésor de Sînnicolau Mare
Petite lampe paysanne paléochrétienne en bronze. VIe siècle de notre ere. Luciu, dép. cl'lalomi!a. Musée d'Histoire de la Roumanie.
Monnaie byzantine en or trouvée dans une tombe d'A ar. à Simpetru German, dép. d'Arad. Empereur Herac1ius et son fils. VIle siècle. Musée d'Arad.
Vase décoré d'un bandeau alvéo!aire. Civilisation daco-romaine. Moigrad (Transylvanie). Musée d'Histoire de la Roumanie.
Vase en terre cuite de Capidava, dép. de Constan!d, sur lequel est étril le mot roumain Pelre. XC siècle. Musee d'Histoire de la Roumanie.
Vase à une anse (influence sensible des autochtones) provenant du cimetière d'inhumation d'Oinac-Giurgiu. Ive siècle. Civilisation de Sîntana-de-Mure~. Musée de Giurgiu.
Vase-lampe et son cou lercle. de facture dace. Obreja, dép, de Sibiu. Musée d'Histoire de la Roumanie
Vase fait au tour, provenant du cimetière geta-romain d'Enisaia. Î,,1usée d'Histoire de la Roumanie.
Nécropole. Civilisation daco-romaine. Soporu de Cîmpie, dep. de Sibiu. Musée d'Histoire de la Roumanie.
Grand pot gris à trois anses, façonné au tour. Cimetière d'Oinac­Giurgiu. Ive siècle de notre ère. Civilisation de Sîntana-de- Mure~. Musée de Giurgiu.
Symbole chrétien en forme de poisson: sur l'un des côtés. il porte le signe de la croix, sur l'autre le monogramme de Jésus-Christ. Vie ièc!e. Luciu, dép. d'ialomiia. Musée de l'Histoire de la Roumanie.
Muse il masque et thyrse. Détail figurant sur la cruche en argent doré du trésor de Tauteni·Bihor. ve siècle de notre ère.